inactualités et acribies

Le Val de toutes les grâces

28 Février 2018 , Rédigé par pascale

...petit coin de l’univers aux angles rebondis aux lignes veloutées aux terres qui s’étirent avec le regard. Creusé, bouclé par la rivière qui le protège des régions qu’il avoisine avec un air de ne pas y toucher. Pensez donc ! depuis si longtemps, depuis un temps si long, il dessine à la craie blanche les confins du monde.

Ne pas y passer, y venir. Aux heures heureusement gelées, aux nuits saisies de froid, même froid, bien sûr, qu’aux temps anciens et néolithiques où la même lune effilochée, la même à n’en pas douter, se suspend au-dessus des brumes. La même violente lumière blanche qui longe le petit matin à jamais. Éternité du temps. Toujours l’immobilité l’emporte. Et l’ordre comme une composition. Une congrégation. Tendez l’oreille, il le faut un peu, pour saisir le silence. Et marcher en équilibre.

Et puis la chevelure de l’arbre ; du ciel au ciel écrit  ce nom hamadryade pour se souvenir de l’origine de toute chose. De nous forcément. De toujours à jamais. Terre enracinée d’herbes gelées et blanches, si blanches et tellement gelées qu’il s’en faudrait de peu qu’elle nous retienne.

Du petit mur dont j’aime penser qu’il fut bâti il y a une immensité de temps, je m’approche comme d’une relique, une ruine sacrée qui parle aussi à la mémoire, l’autre, la chtonienne, celle qui fixe les lignes, dessine les espaces, répartit les lieux. Indique au bout du bout de l’horizon la crête du bosquet des pins, le bouquet sacré, le boqueteau par les nymphes gardé, insoucieuses d’un morceau de Lune au milieu du ciel du jour. Séléné est fille d’Aurore, nous ne l’oublions pas. Même et surtout dans l’ombre diurne, monacale, humide de l’Abbaye. Qui fleure bon le latin des enfances oubliées ou perdues.

Le Vallon si parfait de la seule présence de qui l’habite et le parle –ô doux parler*– et le respire et le regarde. Où la grâce du poète dessine un promenoir de mots, comme un grand reposoir. Un petit creux du monde, une courette à peine. Une courée peut-être, et pourquoi pas. Ce recouvrement appliqué en protection d’un bâtiment qui voyage au long cours, qui fait un long voyage. On dit aussi courette pour une cour intérieure, soit à l’abri du bruit du claquement des talons. Intérieur, ce qui se garde pour soi. Tandis qu’une courette comme petite cour des miracles, fait métonymie pour dire le groupe –la communauté– de ceux qui s’y trouvent. Ce si joli mot petit, quand il devient un nom, La Courette, peut être une longue maison basse qu’ailleurs on appelle chartreuse, parce qu’isolée. Partout il y a des ailleurs, mais un bout du bout de son faîte en pente douce descendu du ciel, croisant à angle parfait le pan de la toiture ; mais la belle cime dépeignée de son arbre, comme d’un échevelé poète, apparue au fond sans presque prévenir ; mais sa barrière comme l’asyndète ascendante et colorée d’un tableau ; mais l’écriture parfaitement accomplie des lieux, font de la courette de La Courette l’image résolue d’une mise en abyme. L’enchantement a toujours quelque chose à voir et à entendre avec un paysage.

*Ronsard ** photographies personnelles

 

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