inactualités et acribies

Broquille du lundi. Le doux son d’un « e » muet et masculin.

3 Mai 2021 , Rédigé par pascale

 

Les élèves se préparaient à la prochaine visite culturelle. Claude, qui les accompagnait, ne goûtait guère les animations qui les sortaient du lycée, on ne savait jamais comment cela pouvait tourner. Il était loin le temps où, pour échapper un peu à la morosité des cours, on se contentait d’attraper des scarabées pour leur arracher les ailes. A l’apogée de sa carrière, l’illusion avait bel et bien disparu. Après avoir passé l’essentiel de son temps à enseigner les sciences naturelles, rebaptisées plus tard biologie… androcée et gynécée n’avaient pour lui plus aucun secret, ce qui n’était pas tout à fait le cas pour ses élèves. Mais, qu’importe ! Sigisbée honnête de l’instruction publique, pas question d’en être aussi le coryphée, ni mourir au colisée de l’ignorance… encore moins qu’on lui érige un mausolée. L’empyrée qu’on lui avait promis en entrant dans la carrière, était un mirage définitif pour l’athée de l’enseignement qu’il était devenu, ne croyant plus à rien, renonçant à peu près à tout. Il fallait, dorénavant, emmener les élèves à l’athénée, au musée… que sais-je encore ! Toute son éducation au prytanée lui avait au moins appris à jeter un conopée pudique sur ses ambitions, et se sentant doucement glisser dans le ténébreux hypogée de la rancœur et des regrets, véritable macchabée de la cause enseignante devenu, ses cours demeuraient tout aussi inconnus à son auditoire que le lépisostée à spatule au commun des mortels, ou la machine à laver au pygmée de forêt équatoriale.

 

Reste impossible à caser tout un petit inventaire (non, qui n’est pas à la Prévert, Claude n’est pas prof de français grrrrrr et même !) je dirais mieux, un tout petit inventaire des noms masculins porteurs de ce ‘e muet’ final qui fait la gracieuseté même de notre langue française, sans condition ni genre. Mais voilà, autant je peux agrafer un camée au revers de ma veste en pongée de soie et en remonter le col pour ne point subir les attaques glaciales du borée hivernal, autant je ne sais pas quoi faire du caducée qui me tombe des mains, un trophée ? du trochée claudicant, une longue/une brève, du spondée qui se traîne, une longue/une longue, et quelques autres encore qu’on m’accusera à juste titre de maltraiter pour le plaisir de ma juste cause… laquelle est en train, doucement, doucement, de tomber à son périgée. Certes, je ne suis pas futée futée, de mener jusques en mes propylées vos périssables bonnes volontés.

 

[comme tout Exercice de Style, celui-ci exige charité et indulgence de la part de ses lecteurs ; l’idée – détournée – m’en vint à la question que me posa l’autre jour Éléonore - bientôt 7 ans-  : pourquoi le mot fleur, qui est féminin (bravo !) n’a-t-il pas de « e » ? (in petto, je me dis : ciel ! qu’a bien pu te dire la maîtresse pour en arriver là ?) ergo, par esprit de curiosité (autre mot féminin sans 'e' final) constructive, j’ai cherché des mots masculins – non épicènes – porteurs de ce « e » si mélodieux.]

 

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