inactualités et acribies

A la recherche de mots perdus -5-

26 Juin 2021 , Rédigé par pascale

 

Partie en ambalard, je me suis fait balader. Il y avait de quoi, même le dictionnaire de l’Académie – remonté jusqu’aux générations anciennes – l’avait éteint, retiré, écarté, distrait. Égarée moi aussi, je retrouvai cependant mon chemin en empruntant celui du bon Monsieur Littré, rarement pris en défaut d’errance, et l’ambalard se remit en travers de ma route, brouette servant au transport de la pâte à papier, je m’en saisis à bras le corps. Tout disait, intuitivement, qu’il y avait là de quoi me faire marcher – et pas seulement ambuler, déambuler, pérambuler – pendant des pages, d’autant qu’une belle générosité alphabétique de voisinage m’offrit, atrament ou encre pour écrire, noire, très noire, disons noir cirage, autre signification possible dé-coulant directement du latin atramentum qualifié selon l’usage de librarium – dédié à l’écriture – sutorium – teinture réservée au cordonnier – ou tectorium – usité par les peintres pour rendre un aspect légèrement vernissé. On est gâté ! Au point de rôdailler, tournailler et tourniller dans les allées pourtant bien droites et balisées des glossaires et autres thesaurus que la grammaire latine m’invite à écrire thesauri, mais pas l’ordinateur qui le réfute, n’hésitant pas – horresco referens – à le chapeauter d’un accent !

J’avançai ab hoc et ab hac, bien loin de mon alambard ; il est vrai que l’écran distribue des pages à jet continu, ignorant tout de la sparterie, l’art de fabriquer de la pâte à papier, sans lequel point d’alambard, ni en mot ni en chose. Et je retrouve le bon sens, en 1878, avec la 7ème édition académique qui commence par le commencement – alfa, ainsi écrit pour venir de la langue arabe – ah ! les facétieuses trouvailles ! – et désigne une graminée avec laquelle on fait du… papier. Avouons que le papier alfa pour cheminer par (par-chemin renaude J-P Brisset à mon oreille, oui, oui) les ambages des dictionnaires, c’est pain bénit ou du tout cuit, comme on veut ; les circuits de paroles et autres circonvolutions se nomment aussi ambages chez Molière, j’en pimpenaude tout mon soul, mon soûl, mon saoul. Que je souloisse avec délectation battre la calabre de tout ce qui porte mot, personne ne s’en étonnera, je crois. J’indique que souloir – ici au subjonctif présent (identique à son imparfait) est un repêché de dernière minute*, car au 17ème siècle déjà, il passait pour vieilli, dixit Vaugelas ; je n’ai en effet aucun souvenir de l’avoir lu ni chez Monsieur de Saint-Evremond, ni chez Descartes ; on a pu le trouver une fois ou deux chez Monsieur de la Fontaine. Il signifie avoir l’habitude de, avoir coutume de.

Inactualité et acribie d’un verbe que cette inattendue promenade en alambard a permis de re-cueillir. Ainsi faisait le tafouilleux, autrefois chargé de ramasser ce que la Seine charriait. Il m’a toujours semblé qu’on ne pouvait ni ne devait s’autoriser à écrire** si l’on ne ressentait l’urticante nécessité de se faire mener en bateau, par le bout du nez, berner, séduire, enjôler, amignarder, pendre aux basques, tyranniser, par les mots qui passent les bornes, donnent le change et battent la mesure pour mieux noyer le poisson, dans la Seine ou ailleurs. Tapabor rabattu sur les oreilles, avançons d’un pas sûr, et, vartigué ! foin des lantiponnages*** !

 

*sans le moindre rapport sémantique avec les précédents, mais par la belle injonction homophonique ; **au-delà de la stricte communication ; *** un ou deux « n ».

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article