inactualités et acribies

Broquille du dernier jour d’Août.

31 Août 2021 , Rédigé par pascale

Un préfet bas-normand réunit à Saint-Lô et en vue des intérêts du peuple, aussi dans les villes environnantes du Cotentin, des groupes d’hommes en vue de réfléchir et trouver les remèdes les meilleurs pour la santé publique. C’est « comme qui dirait » des Intendances ou des Commissions sanitaires. Y avait-il, en ce département juché bien crânement sur la carte de France, des difficultés telles qu’un préfet dût s’y coller et les résoudre ? Le titre d'un texte public, en décembre 1831, nous dit tout : Au peuple, sur le choléra-morbus. Lors, nous apprenons qu’il y a presque deux cents ans, sur le territoire national et dans tous les cas dans le haut de la Basse-Normandie, sévissait une épidémie cholérique, que le représentant du gouvernement fut chargé de terrasser, dompter, anéantir, le texte dit protéger contre un mal, ce qui (nous) semble d’un euphémisme accompli.

A cet effet, des commissaires furent commis, des administrateurs administrativement nommés, des intendants tendus à la recherche de toutes les solutions pour anéantir ce scélérat de Morbus que le Constitutionnel appelle Cholera. On tint pour le plus important de soumettre les maisons, leurs cours et leurs habitants à l’obligation de propreté, foin des fumiers (appelé pots à graisse dans les campagnes) et autres eaux croupies ; le bruit courait, accompagné des courriers officiels, que le fléau était bien là, tout près, si près que les peurs coururent alors plus vite que les maux. Des quatre fléaux les plus à craindre – incendie, famine, guerre et peste – seul le dernier demeure insaisissable, du moins si l’on est pleutre, car il s’attaque aux lâches et aux poltrons. Ce qui fut écrit en ces mots : le Choléra respecte ceux dont l’esprit est calme pour se jeter sur les peureux. A quoi certains ajoutèrent qu’en vivant en toute bonté, à l’égard tant de ses parents, amis, que de ses voisins, il ne peut, évidemment, rien arriver quoi que l’on fasse, rappelons-le, à condition de suivre les principes les plus élémentaires de ce qu’on nomme aujourd’hui hygiène, laquelle, par l’étymologie et la mythologie réunies, est sœur de Panacée, panacée. La propreté est leur indispensable moyen, se laver, et souvent et tout entier et tous ses vêtements.

L’abus de gros cidre et d’eau-de-vie disconvient à la santé, malheur aux ouvriers qui vont prendre la goutte ! Mais aussi un air corrompu. Ne manquez donc pas de renouveler souvent celui de vos maisons, en ouvrant les portes et les fenêtres est-il prescrit à la population. Et d’arroser les sols suspects, d’eau additionnée de chlorure de chaux ou de soude. Une nutrition ordinaire suffit, pourvu qu’elle soit de bonne qualité ; les fruits doivent être mûrs à point, les viandes et les poissons frais (plus aisé en Cotentin qu’ailleurs) ni trop de sel, ni trop de poivre, aucun excès. Les gourmands creusent leur fosse à belles dents, avec eux les lève-tard, ceux qui dorment protégés par d’épais rideaux et la tête à même hauteur que le reste du corps.

Tempérance, modération, économie des forces, sobriété sont les lois de la bonne santé. En temps de Choléra, elles seront d’autant plus utiles pour combattre le mal qu’on y sera habitué de longue date, qu’elles seront une règle de vie. Ce mal, venu de pays (l’Inde se disait-il) où règne la misère, avance vers nos contrées en s’affaiblissant d’autant plus que nous sommes des nations policées, mais si l’on est touché, ou l’un de ses proches, il ne se communique pas pourvu que l’on mette en pratique les conseils ci-dessus, auxquels il faut ajouter ces derniers : Frottez-vous tous les jours avec de la flanelle ; ne vous exposez pas à la pluie ou l’humidité (ces mots à destination des habitants du Cotentin, cerné par les embruns) et lavez vos mains. Si malgré toutes ces précautions, le Choléra vous atteint éhontément – cette maladie n’a aucune moralité – pensez bien à réchauffer votre corps en promenant un fer à repasser chaud sur votre peau ; buvez chaque quart d’heure des infusions de tilleul, camomille, mélisse ou thé. L’eau fraîche, en revanche, seulement à la petite cuiller. Notre dévoué conseiller nous apprend – au moins aurons-nous appris vraiment quelque chose – que le Choléra fut surnommé trousse-galant, en raison de sa progression parfois très rapide, moins de dix minutes, ce qui est en totale contradiction avec ce qu’il écrivait auparavant ! Peu économe en poncifs moralisateurs, il demande que la population respecte l’ordre et la tranquillité générale. Ni aveuglement, ni entêtement, qui riment tous deux avec charlatans, mais un triptyque digne d’une devise nationale : « Sobriété, Propreté, Courage ! »

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article