inactualités et acribies

rentrée ad nauseam

20 Août 2021 , Rédigé par pascale

 

(Les clichés de l’été, n° 9)

 

« Les petites expressions de l’été » vont plier bagages, avant d’atteindre la dizaine, ce  ne sera jamais une ligne. Mais, une fois dernière, reprenons l’objectif, celui qui fixe les lieux les plus communs, les expressions les plus éculées : ainsi, sous la plume d’un malhabile, qui voudrait encore un peu ralentir le temps, ce qui s’annonce ardu puisqu’il faut aussi accompagner la course médiatique. On sent l’essoufflement au coin de la rue … Ce n’est pas faute – ou plutôt si – d’avoir incriminé un service de presse qui oblige les malheureux préposés au commerce des livres à des heures supplémentaires par conscience professionnelle pendant leurs vacances, tandis que le temps se déploie et que l'on fait relâche (hum !) sans remarquer ce que le syntagme « service de presse » doit à l’affairement, la précipitation, l’urgence, mais aussi à l’entassement, la mise en pile, le pressage au laminoir de la fameuse rentrée, dont on veut, en en disant tout le mal, nous convaincre de ses bienfaits. Sans remarquer non plus, combien de lettres ont en commun les livraisons si pesantes en livres rentrés. Ma foi, être livré en livres, beaucoup en rêverait, y compris à rythme hebdomadaire.

Faire rentrer à tout prix – tous les mots comptent, je répète, comptent ! – les livres dans les librairies, ça commence avec les premiers arrivés par la poste (je plussoie, bravo la Poste !), ceux que l’inévitable et déjà nommée conscience professionnelle oblige à mettre dans sa valise. Mais pas à lire avec empressement : il y en a même dont on nous parlera qu’à (sic) mots couverts avoue un spécialiste patenté (pas tenté). Nous ne lui reprocherons pas d’avoir des préférences et s’en tenir, ou à peu près, aux seules couvertures – la 4ème ! d’une importance absolue – mais de déballer son insincérité en même temps que ses colis, laquelle trouve une réplique, inattendue et contradictoire, dans un aveu d’une ahurissante candeur, avec ceux que nous n'aurons pas lus faute de temps et ils seront nombreux. Nous voilà prévenus.

C’est la rentrée littéraire. Pas la rentrée scolaire, ou estudiantine, non, non – la littéraire, puisqu’on vous le dit, la nouvelle collection automnale des seuls « romans » en attendant la collection de printemps – celle qui a donné des suées et des obligations antidatées à tous les libraires, chroniqueurs, éditorialistes, animateurs de radio et de télévision … euh ? écrivains, les … quoi ? J’aimerais tant que l’on dise, aussi, un peu, parfois, entrée, pour laisser espérer quelque chose d’inattendu en lieu et place de ce rentre-dedans et du premier de ses synonymes : une rentrée i.e un encaissement, une recette (ah ! quelle polysémie signifiante aussi pour ce dernier terme !). Les librairies devenues de vastes prairies de papier bruissantes (sic) ne rechignent donc pas à la métaphore invasive, (ni à la faute de grammaire). Nous aurions aimé qu’elles bruissent (pas d’imparfait du subj. pour bruire, ça en réjouira quelques-uns) de mots et d’écritures plus et mieux encore que de papier. Mais la lassitude pointe déjà au bout de la phrase, que dis-je ! les lassitudes car au trébuchet de la grammaire, quoi ? encore ? ce terme (ce mot qui dit toute fin) inscrit dans le billet de rentrée d’une librairie lambda, est bel et bien écrit au pluriel. Ce que ça cache ? car en tout usage ou mésusage du vocabulaire, il y a une vérité sur soi – nous connaissons notre Freud et notre Lacan – celle-ci est foudroyante de clichés, de poncifs, de stéréotypes, voyez plutôt : le temps passe et les saisons se succèdent. Pas mieux !

(Les petits charmants de l’été n° 9)

Ceux qui ont ravi notre oreille intérieure toujours en alerte, pour lesquels il eût fallu, sur le champ cesser écoute et/ou lecture, et les noter, cueillis au détour d’une phrase, lue, entendue, que l’on croit arrivée per se, mais nous n’allons pas nous contredire, rien, en matière d’usage des mots, ne vient de rien. Aussi et après une brosse qui tenta, sans succès, de se faire casserole, il y eut, non relaté, le contentement de voir un radiateur qui s’était dérobé au regard pourtant observateur d’une passante amie ou d’une amie passant (Les avisés reconnaissent les accords et les désaccords des mots qui participent en se présentant là). Et ma tendresse pour Lou, Marie-Thérèse, Georgette, Zo et son âne Nul.

Contrainte par le manque de temps à cause d’un changement d’espace, j’ai opté – à l’exception notable de Schumann – pour des sujets non ruminés, et parfois d’humeur, quoique les effets d’une mastication permanente reviennent sans crier gare et que les bienfaits d’une digestion lente ne soient plus à démontrer, je me suis momentanément mise au diapason commun qui préfère souvent la fréquence et la brièveté. Les inactualités restent cependant mon tempo, qui ne sont pas des vieilleries n’est-ce pas, encore que le charme des anciennes dentelles … mais l’effort permanent, concentré, appliqué, précis, méditatif, tendu, pour échapper à ce qui, dans l’instant même ou presque de son apparition, est voué à disparaître, englouti par l’agitation péremptoire du monde. J’allais, selon une pratique mienne, dresser une longue et synonymique liste de ce que je mets dans ce « monde ». Je renonce, au profit de mes infinités à venir car il y a de belles et grandes inactualités persévérantes. Persistantes, obstinées, rémanentes, constantes, assidues, scrupuleuses, acribiques, méticuleuses, inextinguibles, rigoureuses, soigneuses, inassouvissables, irréductibles, définitivement inapaisables. Définitivement.

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