le philosophe normand
Et gentilhomme. Ce qui écarte d’emblée le portrait d’un contemporain, si le doute avait éraflé les mots…
Si m’en croyez et me faites l’honneur de me suivre, je vous mène en terre de brouillards, de chemins creux et grasses glèbes, là où le bocage enclot de petites surfaces et les nuages bas et gris achèvent d’enclaver un paysage toujours alors à portée de main mais pénétrable, brumailles, crachins, frimas, autant de déclinaisons effilochées de vapeurs et de gouttes. L’humidité mange les troncs et les feuilles, les branches esquissent des abrégés de formes, des ossatures noircies par les eaux engorgées dans leurs fibres. Il en est toujours ainsi de nos jours.
Aussi, quand l’ire royale, très ombrageuse à l’égard des paroles affranchies, exige par la voix de Mazarin, que Charles Le Marquetel quitte la France, on veut bien croire qu’arrivant en Angleterre après un court séjour en Hollande, ce n’est pas le climat qui lui fit misère. Le Marquetel de Saint-Denis, pour être précis.
Du village de Saint-Denis-le-Gast (aujourd’hui département de la Manche) celui de son enfance normande, où le domaine familial à l’abandon existait encore il y a peu, je peux en attester. Monsieur de Saint-Evremond (Charles Le Marquetel) en était le seigneur. XVIIème siècle.
Pendant plusieurs années j’ai cortégé Saint-Evremond. Lu et relu et décortiqué et désossé tous ses textes, correspondance comprise. Soit on l’avait oublié, soit il était de bon ton de le déprécier, pas assez philosophe pour les uns, trop peu rigoureux pour les autres. C’est tout pareil. Pourtant notre homme a de quoi plaire. Lecteur affamé de Montaigne, et très bon lecteur au risque a posteriori du mimétisme d’écriture, admirateur insatiable de Corneille, correspondant attentif et fidèle ami de la belle mélomane musicienne et femme de Lettres Ninon de Lenclos,

amoureux transis dans la froideur londonienne d’Hortense Mancini (duchesse de Mazarin, nièce du Cardinal) contempteur infatigable de la mode des jeux auxquels on se livrait sans compter dans le salon de la dame et de sa sœur la duchesse de Bouillon, mais sans lui. Il faut le lire décrivant la fureur de la bassette qui ôte à sa douce la raison pure et tranquille. Révérant les vrais héros, capables de passions hors du commun, les seules qui vaillent à ses yeux, Alexandre, Hannibal, Condé –sous la bannière duquel il combattit- pour lequel il écrit un Eloge de Monsieur le Prince admirable, comme le reste. On comprend à ses mots, à ses affirmations, qu’il connaît bien son Machiavel. Il y a des formulations qui ne trompent pas. Il a lu et relu le Don Quichotte de Cervantès. Les grands anciens. Ecrit par exemple un Jugement sur Sénèque, Plutarque et Pétrone. Mais surtout, il a compris la portée véritable des propos d’Epicure. C’est une rareté. Rédige un Sur la morale d’Epicure et revendique l’indolence et la volupté termes qui mènent droit au contresens si l’on en ignore les étymologies, faute que Saint-Evremond qui lisait latin ne pouvait commettre, ni dans laquelle il ne pouvait se commettre. Il est commentateur très exigeant. Et fin lecteur.
La question de la vieillesse, ou plutôt du vieillir, il s’en saisit comme peu le font. Charles de Saint-Evremond parle d’expérience, sa vie a couvert le siècle.

Né en Janvier 1614, il mourut en Septembre 1703 à Londres où il est enterré. A l’abbaye de Westminster. Pas moins. Il faut dire (ce qui fera l’objet d’autres billets, maintenant que j’ai vaincu ma résistance à le retrouver, je ne vais plus le lâcher) qu’il avait décliné depuis plusieurs années l’invitation officielle de revenir en terre de France qu’il avait quittée des décennies plus tôt, sans jamais y retourner. Aussi, sa vie londonienne mérite qu’on en reparle. Une vie à la cour sans être tout à fait vie de cour. C’est toute la subtilité de cet homme, qu’on accuse (certains) de nos jours d’euphuisme, d’affectation, de préciosité ; c’est l’avoir fort mal lu, être tombé dans le piège des écritures dorénavant infréquentées, étrangères dans leur propre maison parce que redevables de la période latine, son rythme et son équilibre jamais donnés d’avance, qui se découvre en toute fin de formulation, et même -cela m’a toujours frappée dans sa ressemblance féconde avec l’écriture de Montaigne- constitue son sens en s’écrivant. Montaigne, dit Saint-Evremond, fait partie de ceux qui se sont établis comme un droit de me plaire toute ma vie.
Pertinence et impertinence du titre d’une thèse devenue incontournable, comme j’aurais préféré ne pas dire : Le libertinage érudit (René Pintard, 1943)* dans laquelle Saint-Evremond n’a pas une place de choix. Mais les deux termes, qui feront presque oxymore au siècle suivant, et totalement de nos jours, désignent la capacité de s’affranchir par le/les savoirs et le raisonnement, ce en quoi son contemporain Descartes, que notre Normand n’aimait pas trop, cochait pourtant et étonnamment la plupart des cases, dont celle de se fier à soi avant de s’en remettre aux autres… Je résume évidemment, et René et Charles. Juste pour échantillon de son ironie mordante, calme et tranquille, une manière bien à lui de dire tout ce qu’il se doit et rien d’autre que ce qu’il faut : La maxime de Monsieur le Cardinal **est que le Ministre doit estre moins à l’Estat, que l’Estat au Ministre : et dans cette pensée, pour peu que Dieu luy donne de jours, il va faire son bien propre de celui de tout le royaume. in Œuvres en prose tome I : Lettre sur la Paix p. 134 ***
*même si, depuis et enfin, les choses ont vraiment bien changé et Saint-Evremond fait l’objet de travaux universitaires de haut vol, c’est à R.Pintard que l’on doit ce premier travail fondateur sur cet aspect du XVIIème siècle inconnu des classes terminales….
**remplacer par tout nom à votre convenance.
***les Œuvres en prose, et les Lettres (6volumes) sont éditées chez Didier, Paris. Les Opéra, Genève, Droz ; La Comédie des académistes, Paris, Nizet.
2 cm x 2 cm = 4 cm2 de pur bonheur
Non, la bergamote n’est pas la spécialité de Bergame, mais le fruit du bergamotier. De la Lombardie à la Calabre -j’y reviens- c’est toujours l’Italie. Mais point encore la Lorraine. Avec ou sans sabots. De quelle diablerie ce sortilège géographique est-il l’annonce ?
Mystère et boule de gomme. Gomme historique plutôt… qui colle (encore) un peu à la Sicile, si l’on veut bien retenir que René II de Lorraine fut aussi roi de notre île. Dernier quart du XVème siècle, René grandit dans les terres angevines de son grand-père, et la Lorraine, il la gagne à la loterie des héritages et des successions nobiliaires ; la Sicile, partie prenante du Royaume de Naples, lui fut offerte pas des sujets en révolte, juste avant que le roi Charles VIII ne la lui interdise, pour se la mieux réserver… Avec autant d’embrouilles royales et guerrières on a pu jaboter approximations fruitières et botaniques aux fins de croire que la Lorraine connaissait la bergamote depuis ces temps-là. Lui dessinant même un itinéraire édifiant : de l’Italie à Nancy par les pèlerinages jusqu’à Saint-Nicolas-de-Port, basilique érigée par…. notre René le Lorrain, ci-dessus rencontré ! Mais comment attester l’arrivée sûre et certaine du fruit du bergamotier en ces temps, en ces lieux. Et pourquoi là ?
Bergamotte (sic) est un fruit d’odeur, dit Le cannamesite français ou nouvelle instruction pour ceux qui désirent d’apprendre l’office (….) ouvrage de MDCCLI, qui poursuit : (…) tiré d’un poirier bergamotte* : on dit que l’origine vient, de ce qu’un certain Italien s’avisa d’enter une branche de citronnier sur le tronc d’un poirier bergamotte ; on les confit de même que les citrons ; on peut les confire par quartiers, par zestes ou entiers, cela dépend de la beauté des fruits & de la volonté des Officiers**… Mais non, la bergamote dont nous parlons n’est pas celle-ci ! La nôtre vient de Calabre –la revoilà ! et la vérité bonbonnière sort certainement des chaudrons d’un certain Lillich, confiseur de son métier, qui aurait eu l’excellente idée d’ajouter quelques gouttes d’essence naturelle de bergamote à du sucre cuit, cela se passe dans la seconde moitié du XIXème siècle.

Bien que nettement plus factuelle, je préfère cette histoire : elle sent si bon déjà ! La Bergamote de Nancy va y perdre un ‘t’ mais devenir pour toujours, la quintessence de toute délectation terrestre, et peut-être bien céleste. Je parle pour moi, bien sûr.
*ce qui s’est avéré faux pour nos douceurs lorraines
**qu’on se souvienne que les Officiers officient aux Offices (cuisines) !
L’origine exigée calabraise de l’huile de bergamote est fixée dans un cahier des charges. Rarement obligation ne fut si douce à mes papilles. Le bonbon qui tourne et tourneboule en bouche bien qu’il soit parfaitement carré, a fait un long et beau voyage si l’on s’en tient à son substrat : sans le bergamotier de Calabre, point de Bergamote de Nancy. Je reste confondue devant tant de précisions, et ce n’est pas fini ! couleur, poids, goût, emballage, boîtage… les accords parfaits de la concision et de la justesse comme conditions d’accès à l’excellence. Que ne garde-t-on un peu plus souvent cette règle majeure, qui vaut en confiserie, en musique, en écriture…. Une forme d’austérité pour parvenir à l’élégance. Simplesse (terme encore en usage aux premiers âges de la Bergamote (ma révérence…)) et sobriété des ingrédients, générosité somptueuse du résultat.

Chrysobéryl au palais de toutes mes gourmandises, pierre précieuse jaune-or, jaune clair, jaune citron, ambre, cuivre, qui a peut-être emprunté son ocre doré à la mirabelle, autre délice lorrain, autre malice, autre célébration d’un bout d’enfance si colettien. Les Bergamotes de Nancy comme autant de tesselles pour des mosaïques plus sûrement passées qu’à venir, et d’erratiques bulles d’existence qui crèvent en surface comme lave d’un Etna ancien tout à coup réveillé : la marmite où cuisait la confiture de mirabelles -et à côté celle des quetsches, violettes et oblongues comme des chapeaux d’évêque- je ne cessais d’en observer les métamorphoses, instruisant sûrement déjà là, une fascination cristallisée pour le cratère du volcan empédocléen.
Sans le savoir, bien sûr. Bien sûr ! Par quels chemins et dans quels enfouissements imparfaits les pavements de ces itinéraires d’un autre âge sont-ils revenus ? et comment le petit quadrilatère gorgé de sucre, de lumière et d’enfance, dans une papillote de papier cristal qui excite les yeux et les doigts, minutieusement et individuellement enveloppé pour mieux impatienter la langue, comment deux à cinq grammes de sucre d’orge élémentaire alésé au laminoir des ateliers, comment se peut-il qu’un si simple bonbon fasse éclater tous les savoirs constitués et reparaître d’anciennes et archaïques émotions ?
[Merci à Fr&Fr d’avoir rapporté de leurs pérégrinations estivales ces petits morceaux des vacances mosellanes -Nancy est bien en Meurthe-et-Moselle, mais je 'vacançais' à Metz, Moselle- de mon enfance. Ou comment, d’une confiserie à une synecdoque, on bâtit une existence entière de gourmande.]
[Clin d’œil amical à Denis M.]

...“sur la paume tendre de la terre, la ligne sublime des Temples.”
Je cherche. J’ai ce petit livre d’André Suarès, Temples grecs, maisons des dieux. C’est sûr. Je l’ai lu et feuilleté tant de fois. Sa couverture glacée et blanche, l’encre bleue de son titre et du nom de son auteur. La petite édition ‘Granit’ existe-t-elle encore ? Le voyage du Condottiere, beaucoup plus connu et reconnu, même format, me nargue un peu. Il a échappé à ma propension native à l’entropie aussi je le regarde en coin. C’est l’autre que je cherche. L’antidote à la Sicile de Maupassant. Se remettre de l’avoir lue si mal écrite, pour ne pas dire décrite, car ce mot ne convient pas. Voilà deux jours que je cherche. Il n’y a que trois solutions : dans les espaces réservés à l’antiquité en général et en particulier ; dans le maquis des livres ‘siciliens’ par leurs auteurs, par leurs sujets, romans, histoires, en français, bilingues… ils sont plusieurs dizaines ainsi épandus plus qu’ordonnés, jonchant le parquet en petites piles bancales, instables, ébranlables, pour être saisissables ; enfin, et c’est la pire supposition mais aussi la plus sicilienne, dans un Chaos majuscule prometteur de tous les Cosmos à venir.
Je vérifie une fois encore que certains écrits laissent leur marque plus sûrement dans mes souvenirs que leur trace sur mes étagères. Je persiste, pugnace et entêtée : je suis sûre que ce livre se cache devant mes yeux.* Je dilapide le temps et désentasse l’espace et franchis l’invisible point où ma volonté improductive se transforme en rage salutaire. Je passe et je repasse les yeux que j’ai au bout des doigts sur les dos des ouvrages qui s’alignent et se serrent, les premiers servis d’une brève et lointaine décision de rangement. Je traverse ainsi mythes et philosophies. Aller-retour. Je m’arrête aussi. Ne pas s’attarder dans l’émotion. Celle des découvertes qui furent d’immenses rencontres. A jamais. Pour toujours.
Je pratique les nano-trêves. Les mini-armistices. Les capitulations infinitésimales, mais ni la fuite, ni l’exode. Ni la désertion. L’abdication n’est pas de mise. Faire diversion. Mais ne pas renoncer. Ma certitude est plus forte que sa ruse. J’y retourne. Je recommence. Et le trouve. Coincé-bloqué entre Sappho et les Sophistes,** dans une légère distorsion de l’ordre alphabétique, Suarès. Moins de soixante-dix pages de texte d’Agrigente à Paestum [qui n’est pas en Sicile je vous l’accorde, mais on ne va pas bouder son plaisir, Vidi Ego Odorati Victura Rosaria Paesti ] passant par Ségeste : le Temple, plus que solitaire, il crée la solitude. Jusqu’à Selinonte, le sépulcre des temples et des dieux au berceau. Il me semble, relisant ces mots, tous ces mots, si justes après tant d’années, rattraper sans la moindre déchirure un long sanglot mélancolique et doux. Et retrouver la puissante conviction de procéder d’un destin qui me dépasse et me survivra.
*cf archives de mars : carton rouge pour mes livres. Depuis cette date, on peut noter une (légère) amélioration. Des mains complices sont venues arranger cela, sans pouvoir tout ranger pour autant… mais le livre dont les lignes de Mars furent l’occasion, toujours pas retrouvé, lui !
**on le voit (à peine) sur la photo... étagère du haut, au milieu ou presque... le buste c'est Hippocrate, Socrate lui, invisible, est au bout, à gauche...
Cher Guy (Henry-René-Albert)
Votre voyage en Sicile. 1885.
Vous ignorez, bien sûr, la dévotion fébrile, ancienne, mystique et rationnelle tout ensemble que je porte à cette île. Ce serait refaire l’histoire à l’envers et supposer que mon existence eût pour vous quelque importance, au-delà du fait commun qu’il se mêle aussi dans mes veines un peu de sang lorrain et pas mal d’autres par les ascendants desquels nous descendons. Tous un peu.
La Normandie, terre de Sicile. Oui, mais ça dépend. D’où les Conquérants partirent s’installer, et le roi Roger II, c’est la mienne. La Basse-Normandie, celle, sans rire, du village de Hauteville, un petit coin de campagne d’où une véritable et constante immigration, quelques centaines de Normands par an depuis les années 1010 et pendant un siècle environ, s’en furent par-delà les mers et les terres prendre racine tout là-bas. N’empêche que cela suffit pour créer des liens…. Bon, l’histoire de ces XIème et XIIème siècles est franchement compliquée, mais retenons, vous et moi, que Roger II et son fils Guillaume (prénom de tous les Normands depuis plus ou moins toujours) et son petit-fils, Guillaume, et leur ancêtre Tancrède, et sa douzaine d’enfants, tous paroissiens du Diocèse de Coutances, trouvèrent aux rivages méditerranéens du Sud plus de vertus qu’aux plages cotentino-manchotes*… Retenons encore, de Robert en Roger, des successions qui se succèdent avec succès, de frère en frère en fils. La Sicile normande, c’est lui, le deuxième Roger ! la chapelle Palatine aussi.
Ces Normands-là n’ont pas chipoté. Ils ont carrément conquis Palerme en 1072. Mais pas seulement. Et la Palatine, celle dont vous dites qu’elle est la plus belle qui soit au monde, ce dont je doute, est enclose dans l’ancienne forteresse construite par les Normands. Et puis plus rien. Plus rien dans votre texte. Ma déception est immense. Et pas seulement là. Franchement, la beauté colorée et calme, qui vous fit pourtant quelques lignes plus loin une si violente impression, me laisse, quant à la l’impuissance des mots, totalement pantoise….
Et tout défile un peu comme ça, en remarques naïves, ou plutôt terriblement banales, alors que tout, tout vous dis-je, dans cette île répugne à la banalité, aux mots convenus, aux sensations atones : La rue, à Palerme, n’a rien de particulier. Elle est large, et belle dans les quartiers riches et ressemble, dans les quartiers pauvres, à toutes les ruelles étroites, tortueuses et colorées des villes de l’Orient. J’ai quand même un peu honte de vous prendre en flagrant délit de fadeur, d’insignifiance, pire, de platitude. Très fâchée, déjà courroucée, contrariée pour le moins, je tourne les pages d’un … descriptif détaillé, certes, mais sans relief. Les jardins de la villa Tasca sont pleins d’admirables plantes tropicales**. C’est tout ? c’est tout !

Le cloître de Montreale est une splendeur et voilà ce que vous en faites : tous ces mignons couples de colonnettes, tous les chapiteaux, d'un travail charmant, sont différents. Et on s'émerveille en même temps, chose bien rare, de l'effet admirable de l'ensemble et de la perfection du détail. Pas étonnant c’est le Normand Guillaume, surnommé le Bon, qui en fut l’initiateur ! je vous taquine ? un peu, mais pas tant, c’est pour mieux accepter la suite, il est très grand, dites-vous, tout à fait carré (le cloître). Je ne vois pas bien non plus comment vous pardonner d’avoir osé écrire que celui de San Giovanni degli Eremiti, est bien moins remarquable que celui de Montreale.
Comment ça, bien moins remarquable ? il faudrait d’abord qu’ils se puissent comparer. Compare-t-on un génie à un autre ? un chef d’œuvre à un autre ? Mais vous n’en dites rien de plus : sitôt entré, sitôt sorti. Suis-je cruelle si j’ajoute que vous n’avez décidément aucun état d’âme ?
Alors, et forcément, je vous attendais au tournant. Oui, la Grèce est en Sicile. Mais n’avez-vous pas ressenti un souffle, une exaltation, à quoi doit-on la sècheresse de ces mots : trois temples superbes profilent, vus d’en bas, leurs grandes silhouettes de pierre sur le ciel bleu des pays chauds.

S’ils semblent debout dans l’air, comme vous dites, eh bien c’est qu’ils le sont ! vous chevauchez, traversez, ricochez sur des somptuosités, des fulgurances, des merveilles, pour n’en rendre qu’un badigeonnage, un vernis, un enduit. Les Lipari, les incandescentes d’Héphaïstos, vous laissent froid, quelques maisons blanches au pied d’une grande côte verte. Taormina, au pas de charge, bien qu’elle vous ait (quand même !) arraché quelques adjectifs, la ruine, triste, superbe, écroulée, et là, je ne vais pas me faire des amis, mais, franchement, se peut-il qu’une ruine soit autre chose qu’écroulée…
Et ce n’est pas en rapportant vos crapahutages sur les pentes de l’Etna que vous nommez Empédocle. Car vous le nommez, ou le nommerez plus exactement, plusieurs pages plus loin, par hasard et par accident, parlant de Syracuse où vous manquez le musée où contempler la sublime femelle de marbre, une des plus belles Vénus, selon vous, dont vous tombâtes amoureux sur photographie d’album. Cher Guy, Henry-René-Albert, Guy de Valmont, Joseph Prunier et autre Maufrigneuse, je commencerais presque à développer quelque tendresse pour votre amourette de papier glacé, si vous ne m’aviez flanqué l’image d’Empédocle d’une superposition pour le moins inattendue. Ratant et le musée et son directeur -nous arrivions trop tard- vous osez, et cette fois vous m’avez fait sourire, parler du Professeur Cavalari en ces termes : Empédocle moderne, (il) descendit boire une tasse de café dans le cratère de l’Etna ! C’est très drôle, oui, vraiment, là je reconnais l’auteur des Contes. Manque seulement la raison de l’anecdote.
Cessons-là diront les bégueules, on ne touche pas à Maupassant ! mais si, justement. Touchons et retouchons, le tableau est une croûte, un ratage, un barbouillage. Tous les grands maîtres ont eu des loupages. Il eût fallu que je passasse ? que je pardonnasse… ou que je me tusse ? je décidai d’en jouer. Un peu sérieusement quand même, c’est un risque qu’en matière de mots j’aime prendre, à défaut de l’oser toujours. Mais je me soigne.
Pour ceux qui restent sur leur faim. De Maupassant le Grand, lire sans tarder si ce n’est déjà fait, Auprès d’un mort, des lignes qui ne manquent pas de mordant. Où Schopenhauer, tant admiré de notre voyageur insuffisant, n’est pas en situation avantageuse, je ne vous dis que cela. Enfin, me suis précipitée pour changer de Sicile et retrouver celle que j’aime, sur deux livres qu’on ne connait plus, qu’on ne lit plus, qui m’ont laissée, il y a plusieurs décennies, dans un sentiment de plénitude exaltée, je parle de Oublier Palerme et Une enfance sicilienne (d’après Fulco di Verdura, dont Tomaso di Lampedusa est le cousin, bon sang ne saurait mentir) de la grande Edmonde Charles-Roux, oubliée elle aussi. J’espère n’être pas déçue.
*pour les cancres : les plages du Cotentin, département de la Manche (50)
** lire sans barguigner, Edith de La Héronnière La sagesse vient de l’ombre. Dans les jardins de Sicile. Ed Klincksieck. 2017 et Du volcan au chaos. Journal sicilien. Ed. NOUS.
*** cloître de San Giovani degli Eremiti, Palerme ; Temple de la Concorde, Agrigente. Photos personnelles.
Made in China
Tout le monde sait que la porcelaine est invention chinoise de longue date, que l’habileté des hommes dans ce domaine est allée d’Est en Ouest et que l’Europe la mit seulement à l’honneur.
Les Chinois, depuis des siècles, plus de quarante, maîtrisent à la perfection l’art de la cuisson, celui des vernis, la connaissance des matériaux, de leurs différents états, des liants, toute une minéralogie, une chimie et une métallurgie complexes sans laquelle ils n’auraient pu produire ce que toutes les cours d’Europe rivalisaient de posséder quand elles l’ont découvert, au point de passer commande de motifs, armes ou autres blasons pour orner les vaisselles royales et aristocratiques.
Jamais démenti depuis le XVIIème siècle, l’engouement pour le fameux bleu et blanc

par exemple, produit essentiellement au Sud de la Chine, résultant d’un composé de kaolin et d’oxyde de cobalt, fut inventé au XIIème siècle, date fort tardive eu égard à celle des toutes premières porcelaines, de kaolin et de petuntsé, argile fine et roche cristalline, le second servant à lier le premier en fondant, après qu’il a été porté à une température extrême, entre mille et mille trois cents degrés, ce qui lui donne sa couleur blanche. L’oxyde de cuivre fait le vert, l’oxyde de manganèse le violet, d’antimoine le jaune... Avec des sels d’or les Chinois colorent en carmin.
Peu savent, en revanche, l’étrange itinéraire et histoire des lunettes. Comme moyen d’augmenter le confort de la vision, elles furent inventées au XIIIème siècle par un moine florentin, Alessandro di Spina. Bien que depuis longtemps -peut-être dès le IIème siècle avant Jésus-Christ- la Chine connût le béryl et le quartz qui entrent dans la fabrication du verre, les lunettes ne vinrent sur le territoire qu’au XIVème siècle. Elles servaient surtout à payer leur tribut pour les étrangers, notamment dans le Sud, ou pouvaient être plus ou moins avantageusement troquées contre des chevaux. Elles firent une nouvelle arrivée au XVIIème et toujours grâce aux inévitables Jésuites, dont certains mirent aussi dans leurs bagages du verre vénitien.
Les Révérends Pères de la Compagnie de Jésus, -dirigeant certains ateliers de verrerie- purent donc les remettre en circulation dans le pays. Comme toute chose devenue nécessaire, le superflu s’en saisit. Lorsqu’elles furent dotées de montures, quelques dizaines d’années plus tard, les branches en étaient d’écaille presque toujours, de métal parfois, ou d’or pour les plus riches. Et pour les garder avec soi, alors que les amples vêtements chinois n’ont pas la moindre poche, on inventa l’étui que l’on pendit à la ceinture, à côté de la blague à tabac, à parfum ou du porte-couteau. L’étui à lunettes est encore une occasion de rivaliser dans l’art de l’ornementation et de l’habileté à travailler toutes les matières. Il est en tissus brodés, en bois laqué, ou gravé, en peau de poisson.
Les lunettes reviennent en Occident au XVIIIème siècle par les Anglais, se créant même un petit succès de mode auprès des dandies des années vingt, du siècle vingtième (quitte à les porter avec des verres neutres), et succombant aux agitations de l’histoire, elles reviennent, pêle-mêle, depuis la fin du siècle dans les boutiques de regrattiers-chiffonniers-fripiers peu regardants de Yangshuo.
Henri Calet
Né en 1904. Il a dix ans quand la guerre éclate, la première dit-on sans rigoler. Donc, il en a 35 pour la seconde, ou la deuxième pour les pessimistes. Et pour les millions d’humains dans son cas, c’est Le Bouquet !
De (sa) lucarne, Henri Calet écrit le monde tel qu’il est. Non, Paris tel qu’il le voit. Celui où il vit, enfant, adulte, journaliste, pas celui dans lequel il invente d’autres vies, d'autres mondes, d'autres humains. Ce qui s’appellerait un roman. Henri Calet n’a pas besoin de cela. Sa vie suffit amplement. Et comme elle est aussi, à quelques détails près quand même [tout le monde n’a pas la chance d’avoir des parents qui jouent aux faux-monnayeurs, ni de piquer dans le coffre de l’entreprise qui vous emploie] la vie de milliers d’autres autour de lui, sa vie devient ses mots. Et là, alors là….
De pénitenciers en prisons d’enfants, de camp de prisonniers en chambres de bonnes et en mansardes, de bars-tabac en hôtels miteux, et de femmes en femmes –à soi seul un sujet de thèse ! la vie d’Henri Calet tel qu’en ses livres relève de l’épopée, l’odyssée réécrite en parler gris-parisien… j’invente cette couleur. La couleur d’une sale petite vie. Couleur si l’on peut dire. Odeurs, ça c’est sûr ! elles sont partout, de tout, prégnantes et puantes. Ça cocotte dur. Ça ne sent pas la rose.
La belle lurette est le premier des huit (finalement huit) livres d’Henri Calet que je viens d’avaler d’un trait. Coup de chance, c’est aussi le premier chronologiquement, 1935. Coup de cœur. Coup de semonce. Coup du sort. Sortilège. J’ai de la veine. Après Martinet (cf mes archives, Juin, ‘mes fichés S ne sont pas fichus’) et trop longtemps après Nan Aurousseau, dont il faudra bien que je dise aussi quelque chose, et quelques autres qui m’ont fait chavirer, Henri Calet, inscrit dorénavant et pour toujours sur ma liste très personnelle des vrais écrivains. Ça faisait belle lurette que je tournais autour de lui sans jamais l’attraper. Mais là, c’est lui qui m’a eue.
Pas d’intrigue, pas d’action, au sens ordinaire de ces termes, de construction romanesque… et autres artificieuses appellations qui permettent à certains livres, politique commerciale en sus, de se faire lire, par tout un pays, voire plus. Au moins, ceux de Calet ne bénéficient pas d’une promotion éhontée…. Je continue.
L’enthousiasme -l’entichement dirait Calet- fait souvent obstruction à l’analyse. Je suis en plein dedans, comme il dirait aussi. Je me calétise… Mais franchement, lisez-moi ça : au centre de ce vaste préau, on nous mettait en retenue sur un rang ; c’est là que j’ai attrapé l’angoisse. (in Le tout sur le tout) – Je me sens à présent tout rafalé et courbatu ; j’ai l’âme qui traîne la jambe. (ibid). Rafalé, un mot qu’on n’emploie plus, et non qui n’existe plus comme se plaisent à croire les paresseux. Qui concentre toute misère des temps en trois syllabes. Et des comme ça, il y en a des brochettes. Et en parlant de brochettes, il s’agit plutôt de bœuf gros sel dans les mastroquets et autres estaminets que nous fréquentons et autant d’hôtels sans luxe de page en page. C’est le temps des anciens francs, celui où l’on dit il est cinq heures, et non dix-sept heures ; les couvercles de bocaux sont en ruolz et certains draps de lit en madapolam. Et l’on pousse encore des charretons dans les villes et villages dans les années 40. Mais quand les mots pour le dire ne sont pas à la hauteur, quand on sent la plume qui s’agace de ne pas trouver, reste l’invention. Construction de phrase inattendue, adverbe inconnu au bataillon, il faisait froid mornement, oubli volontaire de la correction grammaticale, ça presse, ça presse, … coordination d’incoordonnables, les engelures ni les tracas n’étaient encore rationnés. Inventions à la Queneau –c’est bien dans Les Fleurs Bleues, de mémoire, qu’on lit (aussi) ouatères ? Et cet hilarant eskimauzes, pour cacher d’autres plaies bien plus profondes. Tandis que les Allemands badaudaient. Tu as raison, Henri, c’est noirement aussi que tu en as gros à dire.
Les deux bouts est un livre plus immobile, encore qu’on en traverse des rues, des places et des boulevards ! Immobile au sens où Henri Calet y rassemble des descriptions ethnologiques du quotidien. En quelques pages pour chacune d’elle. Portraits collectivement individuels, la vie au jour le jour de ceux qui n’arrivent pas à joindre ‘les deux bouts’ et qu’il connaît si bien. Le troquet, le cinéma, un peu de théâtre, quelques livres, des semaines de travail à rallonge. Paris. Les années cinquante. On lit, on parle, on voit en noir et blanc. Avec quelque chose de la tendresse ironique et saccadée de Monsieur Hulot… je ne sais pas si je me fais bien comprendre. L’exact revers de celui-là est Le croquant indiscret. Plongée en service commandé dans les H.P (Hôtels Particuliers) de la capitale, du spécialiste de la misère en gros et en détail. Il y est moins bien, c’est sûr, qu’un poisson dans l’eau.
Mon octolecture -je me calétise vous dis-je- de quelques jours, c’est aussi la belle pratique d’un écrivain-tripier. Le mot me tombe des doigts, qui signifie en-cet-instant-pour-moi, qui écrit avec ses tripes [lesquelles, aux sens charcutier, boucher, viscéral, anatomique et chirurgical du terme sont d’ailleurs très présentes, certains délicats s’en offusqueront peut-être] sans recherche d’artifice sinon celui qui rendrait le mieux l’effet voulu : spontanéité, naturel, mots justes. Ce qui engage, mais je m’en dégage sitôt, la vieille querelle sur le travail de l’écriture. Faut-il qu’Henri Calet, et autres Queneau et Ponge (4ème de couverture de La Belle Lurette, quand même !) soignent leur écriture, la peaufinent et la sculptent, faut-il qu’ils l’aiguisent, l’épuisent et la touille et la trifouille pour donner tant de plaisir. C’est simple, ça coule de source, dirait Henri ! Faut-il qu’ils aient eux-mêmes un rapport réjoui, éjoui et réjouissant avec les mots, une relation roger-bontemps, vive-la-joie, joyeux drille et luron, gaillarde, verte, sémillante et audacieuse avec la sémantique, la syntaxe, la conjugaison, le vocabulaire et l’imaginaire. Francis Ponge (lire aussi ses quelques lignes dans…Lyres) écrit que son ami Henri Calet (mort en 1956, tellement il est pas mort que je ne l’ai pas dit!) a la pâleur de Buster Keaton, bien vu! et parle aussi… d’une écriture à la Satie ! mais oui, mais c’est bien sûr ! Satie ! L’art de composer sans y toucher, mine de rien, l’extrême politesse de dire des choses sérieuses en souriant, l’élégance de la légèreté dans la lourdeur du monde. Oui, bien sûr.
Allez, pour finir un peu sans achever vraiment : "Je suis un produit d’avant-guerre. Je suis né dans un ventre corseté, un ventre 1900. Mauvais début". (Belle Lurette) ; "Au fond, j’ai le cœur trempé comme une soupe". (Monsieur Paul) ; "Apatrides. Ce néologisme préfectoral est allé loin". (Ibid.) ; "Il avait verdi, c’était sa façon de pâlir". (Le Bouquet) ; "Je mâchais de la honte et du tricolore". (Ibid.)… et tant d’autres !
Dans l’ordre où je les ai lus :
-La belle lurette : 1935. Je crois bien mon préféré. Mais comment savoir tant qu’on n’a pas lu les autres ? (Gallimard. 1999, Collection l’Imaginaire)
-Peau d’ours : notes pour un projet de roman. Dernière phrase, la plus célèbre : "Ne me remuez pas, je suis plein de larmes" (parution posthume 1958, ibidem)
-Les deux bouts : 1954. (réédition 2016 chez Tuta Blu). On peut croire, mais pas longtemps, au genre ‘documentaire écrit’. C’est tellement, tellement plus fin… plus jacquetatien !
--Le croquant indiscret : 1955, (Grasset, 2015). Le revers de l’avers qu’est le précédent. La médaille, c’est toujours Paris.
-Le tout sur le tout : 1948 (Gallimard, 2016). Mon autre préféré. "Pour mon compte, j’ai subi, avant que de naître, quelques semaines de prison préventive, à tout hasard. Pour m’apprendre à vivre, comme on dit".
-Monsieur Paul : 1950 (Gallimard, 2016). Comme qui dirait une lettre à son fils, Monsieur Paul, très culottée, ou pas… de presque 300 pages de confessions très intimes.
-Le Bouquet : mon autre-autre-préféré, publié en 1947, écrit en 1942, ces dates sont importantes, et dédicacé à Pascal Pia (Gallimard 2001) : "Tandis que je redevenais un homme seul et travaillant le détail. Je portais ma disgrâce en breloque". C’est presque à la fin…
-De ma lucarne : dix ans (1945-55) de chroniques de presse. (Gallimard, 2014) mon un peu moins préféré. Très intéressante préface de Michel P. Schmitt, qui rappelle en toute fin le joli mot d’Henri Michaux parlant de Calet : un mécontent heureux. Tout le mal qu’on se souhaite !
Je n’en ai pas fini avec Henri Calet… et peut-être vous non plus !
et pendant ce temps, je lis encore
Un homme libre
Il était seul, ce soir-là. Seul à être authentiquement lui-même, mais sans pouvoir, sans force. Ceux qui, comme lui, avaient accepté de participer au jeu de la parole publique, étaient bien mieux armés, ils avaient tant à dire ! on les voyait, là, assis en cercle sous les oliviers d’une place d’Agrigente, convoqués par quelque riche négociant grec, avide d’un savoir rapidement acquis. Tous, ils avaient plutôt de l’aisance dans la parole, voire dans le geste. Juste ce qu’il faut de distance et de mépris habile pour le savoir officiel, ou les questions apparemment faciles. Tous, ou presque tous, ils ont justifié leur place dans la cité, leur rôle et leurs gains. Tous, excepté lui, ont parlé sottement. Parce que rapidement. Et déshonoré le nom de la Déesse, Alètheia. On demanda, chacun à son tour, pourquoi il était philosophe. L’un pour conseiller, un autre pour douter. Pour se révolter. Pour savoir, pour connaître. Un seul affirma l’être pour lui-même, un seul osa dire pour être. Tout simplement pour être. Pour exister dans la coïncidence du vivre et du penser, du faire et du dire, du boire, du manger, du sentir et du réfléchir. Pas l’inverse. On l’écouta. Une assemblée de philosophes est quasi policée. Mais on ne l’entendit point.
Et voici comment je compris dans quelle modestie il fallait maintenir ses idées pour qu’elles demeurassent fortes et vraies. Comment Empédocle avait bien pu osciller entre le faste et le voile. Je me souvins d’Hölderlin élisant la morosité d’Empédocle contre la croyance démagogique, c’est-à-dire versatile, l’autorité lumineuse de l’homme seul contre la servitude de la mode. Empédocle qui choisit de renoncer après avoir accepté (pour échouer, évidemment pour échouer!) la civilité, les affaires publiques. Plus j’observais le jeu cruel d’une réunion de sophistes singeant une académie de sages, mieux je comprenais la vérité d’Hölderlin : Empédocle ne fuyait pas vers l’Etna l’erreur ou l’ignorance de la foule, et n’allait pas, un peu plus tard, refuser le pardon et les pleurs des Agrigentins, leurs aveux puis leur reconnaissance. Non, Empédocle montait vers l’Etna, en homme libre. C’est-à-dire seul.