inactualités et acribies

Portraits minuscules (4)

28 Juin 2020 , Rédigé par pascale

 

 

 

Le Père Pécate

                            était chiffonnier mais point trimardeur, vivant de peaux de lapins entre quelques planches, il s’efforçait de rabonnir les chaises paillées dépaillées, et de raffûter des lames crantées par accident. Naturellement, il faisait peur aux enfants, peut-être même que c’était une partie de sa raison d’être sans la moindre raison. Naturellement aussi, il était ventru, velu, noiraud et rougeaud tout ensemble. Jusqu’à ses godillots, qui, en y pensant bien, étaient les mêmes quiaffes que ceux peints par Van Gogh un jour de grande misère. Pas même bons pour être réparés par le gniaffe du coin de la rue.

     Le coin de la rue, c’est le Père Pécate qui l’occupait. Pas plus de prénom que d’adresse. Le portail tant rouillé qu’il ne se fermait plus. A moins que, plus bousillé que les vantaux eux-mêmes, il ne pouvait ni les tirer des ronces dans lesquelles ils s’enracinaient, ni les pousser dans la cour définitivement envahie de ferrailles et de rebuts pour lesquels la pire des brocantes eût été un très chic Salon des Antiquaires. Les battants ne battaient plus, tenaient fichés dans la caillasse, entre fermés et ouverts, juste de quoi laisser passer la charrette qu’à bout de bras, à bout de tout, Pécate faisait entrer et sortir plusieurs fois par jour. Même ceux de pluies, de froidures et de vents. Même ceux de gros soleils.

     Il devait falloir être grand pour se demander de quoi vivait Pécate. Les enfants ne se posent pas ce genre de questions, ni ce qu’il mangeait et où, ni d’où il ramenait dans une noria lente et sans fin, ce qui, de nos jours fait déchetterie ou déchèterie – cela dépend du préposé aux panneaux – mais rime toujours avec tôlerie ou ferblanterie. Ni claquedent, va-nu-pieds, ni crève-la-faim, il était juste sans-le-sou et traîne-misère, besogneux, impécunieux, ne se sachant pas malheureux s’il l’était, son existence, entre deux sommeils de brute, charroyait un vide pesant.

     Point d’hargnosités, point non plus de méchanceries, point d’animosités sinon contre les ramas trop pesants, trop cassés, trop cassants, trop brisés, les cycles trop voilés, les ébréchés trop coupants, trop pointues les échardes. Une vie de riens qui débordait de tout partout. Une vie jusqu’à la gueule de trop-pleins. Pécate de tout un village déversoir devenu, déchargeoir des autres. Pécate, fléau d’une balance de mauvais équilibre. Pécate un jour mourut. Ses greniers à ras de sol et ses remises en dépotoirs aussi. Nul ne s’en souvient plus. Ni moi.

 

(cf les trois précédents "Portraits minuscules", sont dans les Archives, Juin 2019)

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Lettre à Isabelle

23 Juin 2020 , Rédigé par pascale

        

     

          Je voulais te parler de toi.

     D’aucuns l’ont fait, un jour d’absence difficile, chacun portant sa peine qu’il ne voulait pas triste, pour faire comme si tu étais là, parce que – ils avaient tous raison – tu n’aurais pas aimé.  Avec toi ils avaient des bouts de vie, des citations d’instants, des morceaux de temps, et surtout, surtout, des existences tout entières, qui furent les plus belles.

    Je n’ai rien de tout cela. Je veux dire pas de chevauchées fantastiques ou d’épisodes épiques, rocambolesques, prodigieux. Notre histoire a le périmètre de l’âtre, de la table familiale, à deux marches de la cuisine, crevettes et bulots-mayonnaise impatients. Elle n’a pas de date, pas de pierres blanches sur le calendrier des années épuisées, pas d’annales consignées. Une photographie archivée dans l’affection discrète -c’est la plus tenace- a pourtant résisté d’un côté l’autre des lointains qui font à la vie des accrocs, qui lui font des griffures. Je serais bien en peine -je mesure le poids de ce mot que l’on croit à tout dire- de me souvenir du jour où je t’ai rencontrée, enveloppée de tissus défroissés, les yeux ensoleillés de sourires.  Non que ce fût si ancien ou que cela se fît au milieu d’une foule ou d’un évènement qui nous auraient trouvées là sans que nous le sachions, non, non ! Je suis tout simplement arrivée, j’aime à le dire ainsi. J’étais attendue, c’est tellement mieux que d’être invitée.

     Je reviens du Marché. Ah oui ! bousculer la conversation cela nous va bien. Donc, le marché.  Le petit bouquet de rhododendrons offert par la dame aux fromages de chèvre, cueillis pour moi, certaine que je passerai. Et la menthe fraîche du marchand de tisanes, qu’irrésistiblement nous avons achetée n’est-ce pas ? Ensemble. Tu vois bien que je n’y arrive pas. Et les huîtres. Tout le monde avec moi s’y attend. Les huîtres, qui disent la mer grise et normande, les îles aux lumières atlantiques, le parti pris du poète, les improvisations autant que les préméditations. Et de retour, le filet gros et plein posé en vrac, j’ai commencé cette lettre.

       Je voulais te parler de toi.

     Ce n’est pas si facile de tenir le mot qui dirait tout, d’un coup. En évitant le reste. Que l’on garde pour soi, telle une poignée d’heures pour élonger un peu, encore un peu, le temps avant de se quitter. Tu sais, cette tristesse d’arrière-automne, d’arrière-saison, qui poisse et qui pèse, et qui s’impose aussi dans les jours de lumière car elle est en-dedans.

     Je ne sais plus bien ce que nous nous disions, un jour, dans la cour du domaine, un genre de château, de ceux qu’on dit désuets, perdus dans les forêts.  Assises  sur son muret gris de pierres, nous riions, comme nous riions ! tout le monde qui nous a vues le sait et les autres dorénavant.

      Ce qu’il fallait que je t'écrive pour me parler de toi.

      

Pascale

 

        

        

        

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Aheurtement, obstination et pertinacité.

19 Juin 2020 , Rédigé par pascale

 

   Que vous soyez horsain, horsin, horsaine ou horsène aussi, vous n’êtes pas le bien venu surtout au début. Mais les choses peuvent s’arranger, il faut y mettre du vôtre, car votre position n’est guère meilleure que celle des Barbares dans la Grèce Antique, accusés et maudits avant tout de ne point parler grec, tout le monde sait cela. La violence barbare est linguistique. Qu’on se le tienne pour dit, c’est le mot !

   Aussi, si vouliez* favoriser puis entretenir des rapports amitieux avec les gens du cru, n’être point accusés d’être « étranger », horsain en Normandie, pour ne point parler son dialecte — conséquence implacable et têtue — il fallait faire un effort. Certes, vous n’auriez pas à savoir tout sur les moulins à foulon, à tan, ou à papier dont l’Orne et le Calvados s’enorgueillissaient encore au début du XIXème siècle (tout droit venus depuis le XIème siècle, des documents l’attestent) mais il fallait rapidement vous familiariser avec ces flexions de la langue d’oïl, ou plutôt leurs traces à ce jour demeurées. Juste rappeler, qu’en ces lieux de langage plus étroits, plus réservés, plus obscurs sous la bruine et les vents du nord, l’affaire est la même qu’en d’autres mieux connus. Le principe, le mécanisme, répondent à la même loi que l’univers tout entier, ne nous payons pas de mots : le plus fort a toujours raison, et le pot de terre et la cruche à l’eau se brisent sous les rudes coups du sort, lequel suit implacablement l’usage le plus répandu, serait-il le plus faux, serait-il le plus sot.

   Il peut paraître anodin, inutile, prétentieux, affecté ou bêcheur, de reprendre la rengaine. Mais, que celui qui s’en lasse se pose bien la question de savoir pourquoi ; pourquoi, plutôt que d’examiner ce qui, en lui, accepte si servilement le grégarisme linguistique, pourquoi préfère-t-il croire que ce n’est pas si grave, qu’il n’y a pas mort d’homme n’est-ce pas ? et que ça suffit de donner des leçons de morale ! Sauf à oublier que morale est justement le mot exact, puisqu’il désigne l’ensemble des comportements qui conviennent à un groupe homogène pour le maintenir dans cette homogénéité. Mores, les mœurs en latin, couvre tellement plus que ce que le terme morale signifie de nos jours. Passons. Et repartons, non sans proposer, avec un certain aplomb, j’y consens, que cette affaire chez moi obstinée et constante, relèverait d’une question de morale linguistique. Cela me va.

   Un âne est un quéton dans le nord de la Manche, un bouri dans le centre et un baudet dans le sud (de la Manche !), même s’il se trouve que certains termes passent les frontières, bouri, par exemple est largement utilisé dans certains coins de l’Orne, j’en atteste. Ça vous donne une idée de la motilité des parlers locaux ! Mais enfin, un âne est un âne me direz-vous. J’acquiesce. Je plussoie. Je confirme. Aussi, ce n’est pas l’animal qu’on modifie quand on dit quéton dans un cas et bouri dans l’autre, c’est un paysage, une géographie, un bestiaire, une mémoire. C’est une uniformité que l’on refuse, avec elle un arasement des subtilités, des nuances, des finesses, une incapacité à la perspicacité au profit d’un télescopage, un écrasement, un écrabouillage. Ce qui pourrait arriver au dernier d’une portée de porcelets — l’écrabouillage — selon qu’il est bedot, bedachon, clos-cul, quiachon, fertin ou chétrin, ah, mais ! par la puissance vertueuse de l’analogie — qui n’est point comparaison — pour les entêtés de la parole molle qui insistent à user non seulement de mots inappropriés, mais de n’importe quel(s) mot(s) prélevé(s)  par les hasards les plus paresseux d’un caméléonisme servile,  voire le reniement, pour certains, de leurs propres savoirs. Toute honte bue. Puisqu’il suffit de décréter qu’il n’y a pas faute pour effacer la faute, ni offense pour ne pas se pardonner, on n’est jamais si bien servi que par soi-même.

   Chacun a saisi que ce n’est évidemment pas l’ignorance de termes depuis longtemps inusités qui me navre, même si cela me navre ô combien ! L’oubli de certains relève parfois de circonstances non linguistiques : l’avaloir — partie du harnais qui permet de reculer un véhicule tiré par un cheval ou de le retenir dans les descentes — a disparu avec lesdits véhicules, tout simplement, si l’on peut dire ; mais, et ce n’est plus anodin, avec eux l’accès gourmand à certains textes déjugés pour cette raison. Qu’on réalise quand même, qu’on se prive ainsi de Colette**, de Sand, de Giono, de Maupassant (le Horla, le mot, probablement extirpé de horlain), de Allais, de Ponge, de Calet, oui, oui, parce qu’il n’y a pas que les mots de terroirs, de régions, d’époques, qui sont rejetés, oubliés, non enseignés, non visités, non appris. On recale les Quignard, Michon, Bergougnoux… Schwob, de Gourmont, Mallarmé, Cingria, Jankélévitch, Montaigne… et surtout on perd l’envie, on laisse tomber, on abandonne cette délicieuse disposition à s’ébaubir d’un mot qui luit, qui brille, qui joue une partition juste, harmonieuse, le solfège, la composition et l’exécution nous en seraient-ils inconnus.

   L’uniformité — qui est le contraire de l’élégance — par l’usage de mots convenus et conformistes pour tout et en toutes circonstances, la réplication systématique des éléments de langages politiques, administratifs, hiérarchiques, commerciaux et, dorénavant, dans un usage stupide et bêlant de syntagmes vaguement anglais dont il serait de bon ton de saupoudrer ses phrases, l’uniformité a gagné par le bas. Plus de liaisons audibles, plus d’accord, plus de synonymes, plus d’usage du passé simple, plus de concordances des temps ni des modes. L’imparfait du subjonctif est signe de mépris, le passé antérieur, inconnu au bataillon.

   J’ignorais, il y a peu, qu’une maison délabrée pût se dire crânière ou mésière, ici, cassine ou boucasse ailleurs, boucane ou calousse ailleurs encore. Mais la joie pure qui est mienne de le savoir dorénavant, de l’avoir noté, souligné, réécrit — peut-être de l’oublier jusqu’à le retrouver pour l’avoir consigné quelque part — cette joie pure demeurera tant que je pourrai en mes mains tenir un livre écrit dans le même plaisir des mots qui, à le lire, est le mien.

 

*non, ce n’est point oubli, mais coquetterie d’antan, "vous voulez" pèse ! 

** Colette, OC XIV (édition du Centenaire, p 56) : « utris », terme entendu un jour par C. dans l’expression « draps utris », elle écrit à ce propos : « Ici se plaçait ce qualificatif étrange dont je n’ai trouvé nulle part la signification ni l’orthographe. Je le suppose patois, je l’accuse d’être un brin méphitique, et même violacé. Son « s » au pluriel, est rigoureusement muet. Je ne sais rien de lui. »

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"J'ai vu personne !"

13 Juin 2020 , Rédigé par pascale

 

 

      On peut crier à la faute grammaticale ! Il n’en reste pas moins qu’elle est parfaite : elle contient plus de sens qu’elle n’en soustrait et nous renvoie aux sources tumultueuses qui ont vu, depuis Homère, ce que ce terme — personne — doit à ce qu’il cache autant qu’à ce qu’il montre.

     Proswponprosopon : le mot grec de tous les dangers. Il mène soit à la personne, soit à son absence — « il n’y a personne ». Aristote l’emploie pour désigner la figure humaine, la face — pro — ce qui (nous) fait face, que l’on regarde face à face, que l’on a face à soi, le visage d’une personne, partant, la personne tout entière, par le mystère toujours fertile de la synecdoque. Nous noterons que les Grecs usent du même mot pour parler de ce qui est devant soi s’il s’agit aussi d’un bâtiment — ce que nous appelons une façade n’est-ce pas ? ou de l’astre lunaire, dont la face cachée n’en existe pas moins que l’autre. D’ailleurs, avant même de désigner, — peut-être depuis Démosthène — le masque, le masque de théâtre, le prosopon représentait dans les fêtes dionysiaques, toute forme de barbouillages ou de mascarades. Dans tous les cas, alors qu’il soustrait au public le visage du comédien, le masque scénique révèle celui de son personnage qui représente à l’époque, plutôt un groupe social – vieillard, jeune fille, jeune homme, servante – qu’un individu, une personne privée. Dans tous les cas, le masque de scène offre un autre visage et pour celui qui le porte et pour celui qui le voit. Pour se montrer autre, encore faut-il être à la fois dissimulé comme étant soi-même, et présenté comme ne l’étant pas. Et bien qu’il existe un préfixe grec pour conforter le principe d’une action, idée, signification ne se rapportant qu’à soi-même comme personne — auto — il ne s’agit pas exactement de l’individu et encore moins de l’identité ou la singularité de chacun, ainsi que nous les comprenons et revendiquons de nos jours.  (Remarquons au passage que les qualités intrinsèques des héros mythologiques, sont plutôt dons et cadeaux des dieux ou des déesses que leurs vertus propres.)

         On s’est plu à croire et à propager l’idée que les masques du théâtre grec étaient blancs, ne couvrant que le visage; mais comme les temples de l’époque classique que l’on persiste à croire couleur de leur pierre calcaire, les masques étaient polychromes, ils couvraient toute la tête, faits de chiffons stuqués de plâtre ou de cire, certainement très inconfortables ; on a toujours admis qu’ils renforçaient la voix, qu’ils la faisaient résonner, sonner, retentir, le trou laissant libre la bouche destinée à per sonare « le son, roulé dans la concavité même du masque! en devient plus fort 1». Ainsi, dans un raccourci qui, en réalité, mit plusieurs siècles, passant du grec au latin par le coup de dé heureux d’un accessoire de scène et, en cela, d’une écriture du monde à une autre, on entrevoit que le masque, persona, en latin2figure un personnage qui n’est pas celui qui le porte. Il l’est d’autant moins qu’il devient fréquent, après Eschyle, que le nombre d’acteurs ne dépassant pas trois sur les planches pour incarner plus de trois rôles, chacun chausse alors plusieurs masques, dont certains, portant leur face et leur profil ensemble, voire plusieurs expressions ou mimiques, montrent, de facto, plusieurs états du même… personnage. Peut-on se hasarder à dire que le masque (de théâtre antique) se portait en écho de lui-même, afin de rendre compte du caractère visible de l’invisibilité qu’il mettait pourtant en avant ?

        Mais les spécialistes modernes de ces questions anciennes montrent avec une certaine gourmandise – tant pour eux-mêmes que pour ceux qui les lisent – que l’on ne doit ni ne peut passer outre l’affairisme théologique de la chrétienté débutante ; tant elle a fait, de conciles en hérésies et retour, pour admettre aux alphabet et grammaire d’un monde nouveau monothéiste, les questions d’irréductibilité et singularité de la personne humaine, son unité et son universalité tout ensemble, aux yeux, si l’on peut dire, d’un Dieu omnipotent, lui-même Un en trois Personnes, distinctes mais semblables par Nature3 . Voilà de quoi occuper une vie. Et couvrir plusieurs générations. Et même plusieurs siècles. C’est pourquoi il serait totalement fautif de ne pas envisager – en/visager ? — cet aspect canonique de la question de l’apparence humaine, et même des apparences, en la rapportant non point à la vérité, ce serait lecture strictement platonicienne, mais à la possibilité de l'effacement de l’individu comme entité. Ou comment la persona, le masque, réel, supposé ou symbolique, occulte délibérément ou pas, la personne non en la supprimant mais en la présentant dissimulée. Tout porteur de masque tient à se montrer, car pour soi seul il l’ôte et le dépose.4

          Aurait-on oublié pour autant la double signification du mot personne, dont on a un seul autre exemple dans la langue – rien – qui peut indiquer soit de(s) petite(s) chose(s), ce qui n’est pas rien, soit l’inexistence : il n’y a rien. Il en est, analogiquement, de même avec la personne, qui devient « personne », un néant d’être et d’existence quand elle n’est pas là. Mais rien, n’est pas passé pour désigner son contraire, par un objet occultant, opaque, alors qu’un masque, un simple masque, a suffi pour réaliser, sans le savoir ni le vouloir, la consubstantiation chère au luthéranisme premier. D’aucuns trouveront le rapprochement hasardeux, d’autres le diront tiré par les cheveux, lesquels sont fort malmenés par les liens qui tiennent les masques – en cuir, en liège, aux époques de la tragédie grecque, révérence à Nietzsche au passage.

          On ne s’étonnera pas de retrouver en Sicile l’une des plus exquises légendes, de celle qu’on raconte aux enfants, sans y changer un mot – et pour cause ! – et met en scène la victoire de la ruse contre la force stupide ; la victoire du nom sur la bêtise, celle de la puissance verbale sur la puissance physique qui, serait-elle ogresque, échouera dans la subtilité sémantique d’Ulysse, qui eut le coup de génie de dire qu’il s’appelait « Personne », ce que répètera Polyphème, le Cyclope bête et méchant, de sorte que, tout le monde sait cela… personne ne vint à son secours, ayant déclaré que Personne ne l’avait attaqué, il passait pour être seul chez lui. Ici, point de masque, point de complications théologique, ni sémantique, ni même grammaticale, le grec ancien se passe de la seconde négation dont le français correct est, à juste titre, si friand. Elle permet, on le voit anecdotiquement ici, de résoudre bien des difficultés logiques. Mais, en grec on peut dire « j’ai vu personne » et – pour excuser quelque peu Polyphème dont la postérité est tout entière attachée à cette bévue – sans proférer la moindre faute, ni d’expression, ni d’expérience. Aussi, personnePersonne, (ne) lui creva d’un pieu rougi au feu, son unique œil. Ou comment dire à la fois, le vrai et le faux. Être et ne pas être, ici réalisé. Et bien que dans le texte, le terme ne soit pas prosopon, celui qu’on a face à face devant soi, mais oὖτις / oûtis, le pouvoir de la polysémie est total, le français, par l’ensemble des itinéraires grossièrement évoqués, ne disposant que d’un seul terme pour dire qu’il y a quelqu’un aussi bien que l’absence de quelqu’un. Nous sommes, à l’égal de cet épisode parfait du discours mythologique, dans la réalité et hors d’elle, et à l’instar de tous les discours baroques, pourtant déjà présents chez Aristote, mais on l’a oublié, à la fois au théâtre et dans la vie. C’est tellement même chose qu’on est capable de confondre les rôles, de croire que l’on se cache alors que l’on se montre, ou, à l’inverse, qu’on se révèle tandis que l’on se masque. Dans l’Etre et le Néant merci à Sartre qui sans le vouloir, du moins sur ce registre, dit dans ce titre à double détente, mais surtout dans l’un des célèbres et meilleurs passages du livre, comment nous abandonnons toute liberté, jouant à être tel ou tel, plutôt qu’à être, mettant un masque invisible sur tous nos faits, gestes et paroles, devenant le néant de nous-mêmes. Mais, doit-on s’empresser d’ajouter, tout le monde faisant ainsi, chacun n’est plus personne pour l’autre. Tel Polyphème – plus aveuglé encore que l’Œdipe sophocléen qui recouvrit sa lucidité intérieure – nous nous trompons sans pourtant faire erreur.

       Du prosopon grec –le visage – au masque scénique latin, persona –le rôle et/ou le personnage joué par l’acteur – à la personne, du triple point de vue grammatical, juridique et philosophique, le parcours n’est pas établi définitivement, et les spécialistes les plus savants, restent donc les plus prudents. Il n’y a dit Maurice Nédoncelle, un très grand sur ces questions5, une « ignorance (est) douce à porter pour le commun des hommes. Elle est un lourd fardeau pour les érudits. Aussi ont-ils voulu s'en débarrasser à tout prix et parfois contre toute sagesse. » Invitation à la réserve donc, aux exceptions près des explications qui font sens, seraient-elles incomplètes, qui ne veut pas dire fausses. Nous retiendrons, nous sachant cependant en dette à l’égard des recherches linguistiques, que prosopon confirme par un usage adverbial attesté, la signification « à l’exclusion d’un tiers », ce que nous rendons assez bien par l’expression « en personne », ou si l’on veut encore, « devant les yeux ». Le visage – les familiers de la philosophie de Levinas lèvent le sourcil – étant bel et bien ce qui dit tout et ce avec quoi l’on dit tout de soi. Qu’on le masque ou qu’on le démasque, n’est jamais innocent mais, moins innocent encore, faisant l’un ou l’autre, l’un plutôt que l’autre, il se peut qu’on s’exempte toujours de soi-même.

 

1)Boèce, Contre Eutychès III. Qu’on n’attend pas dans ce genre de « détails ». Cf plus bas. [On trouve des textes, rares et en partie contestés (un travail allemand de la fin du 19ème siècle par ex) qui remettent en cause cette seule interprétation phonique.] ; 2) et grammaticalement féminin ! 3) Boèce donc ; a beaucoup fait pour venir à bout des hérésiarques Nestorius et Eutychès ; nous sommes à la charnière des Vème et VIème siècles de notre ère, la cause est ardue ; 4) ainsi Descartes avançait-il dans le monde et selon sa devise, lavartus. (par excès de scrupule, m’en vais consulter Monsieur Gaffiot, qui (me) donne ensorceler pour larvare ! Tenons-nous en à Descartes pour lire Descartes, tout le monde latiniste sait que Monsieur Gaffiot (nous) joue parfois des tours ; 5) dont un article très précis de 1948 in Revue des Sciences Religieuses.

 

 

 

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Sauvage, fleurie,

8 Juin 2020 , Rédigé par pascale

 

- la côte bas-normande-

 

    Les lambeaux landeux, hébergés par la grève, entre des guirlandes de travertin humide à peine visibles sous les tussilages et les grandes prêles joyeuses, s’envasent. La patience des rochers, invisible, énigmatique, silencieusement adoucit le sol épaissi d’embruns, rose vif devenus par brasure des dernières flaques de mortes-eaux et des premières lueurs de lune rousse.

      Petits, des trèfles nombreux, oubliés par les rares promeneurs et solitaires, des trèfles à ras de sable, ou des lotiers que l’on dit annuels, accompagnés d’un occasionnel orpin venu des outres rivages, porté par les vents violents de l’hiver, des trèfles drus endurent avec les joncs décapités et cette étrange goutte-de-sang pourtant couleur de sable, les saisons irascibles. Le genêt velu, au sol couché, modelé dans les courants de l’air toujours vif, écrit des landes modestes à la fin de l’été, en bord de ravins eux aussi minuscules, des landes taillées pour qu’une seule main y puise un peu d’eau verte, marron, argentée, abandonnée là par le mouvement des vagues refluantes, qui, une fois le jour et l’autre la nuit, redescendent jusqu’à l’horizon courbe. Au loin, une ormaie. Il suffisait de se retourner.

     Des dunes simples ou montueuses, d’étroits cordons sableux mènent — évitant les laisses traitresses — aux limites indistinguées de l’eau et de la plage, où se sont, parfois, d’antan, installées des euphorbes péplides, et avec elles entre les galets, le pourpier de mer. Opiniâtrement les fragiles levées de sable luttent pour se fixer, qu’on appelle dune blanche avec l’oyat vert tendre, vert pâle, entouré du chardon bleu, alors que la grise, elle, se couvre de violettes naines. Le soir, les plages irisées empruntent à la terre dont elles ne sont par rien séparées, des orchis, piloselles et quelques renoncules parfois, et le très rare séneçon en ces lieux.  Abrités dans des petits creux que les gens de là-bas appellent des « mielles », des pâturages poudrés de sable coquillier se mussent. Selon que l’humidité l’emporte, qu’elle vienne de la rosée ou de la pluie, la dune — la grise — recouverte de tortules touchées dès la première goutte, se fait brun noir ou vert foncé. Des troènes, ajoncs, sureaux mais aussi argousiers, entremêlés et rabougris par les vents, ont sculpté de bas buissons ici, d’inextricables fourrés là-bas.

       Il faut voir les fleurs blanches du rosier pimprenelle couvrir, au mois de mai, le sol pauvre sur lequel il s’est couché, serré, s’est fait rampant, se protégeant et ce qui l’entoure des souffles puissants des vents portant sables et eaux. Les estuaires, les baies, bordés de granites et de gneiss, ou couronnés de grès, courbes dans les havres entre des flèches sableuses et sinueuses à leur tour, délinéent des courants immobiles, aux algues serpentines. L’eau remplit le moindre pore au sol et l’asphyxie. Parfois, quelques tiges encastrées, tel un bois de pins pongien minuscule, forment un peigne entre les dents desquelles s’arrêtent les débris rapportés par les eaux montantes. Derrière lui, pour qui regarde la mer, commencent les prés au goût de sel qu’une prochaine bruine dessalera un peu. Mais jamais n’ôtera le petit réseau des marigots vaseux qui se reflètent aux ciels de traîne.

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Mélanges, miscellanées, miettes – II –

4 Juin 2020 , Rédigé par pascale

Les racines d’un mot le retiennent au sol friable de l’oubli ; le couper au plus court revient, en l’enterrant, à le laisser pourrir.

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« Avoir faim à en creuser l’assiette ». Magnifique !

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Trouvé avec plaisir et satisfaction cet équivalent aux indigestes cookies, l’expression témoins de connexion, qui dit tout de leur fonction espionne, là où les cookies vous font croire à leur immunité et leur douceur sucrée.

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Se rend-on bien compte de ce que représente la survivance et la transmission multiséculaire d’une œuvre d’art, ce qu’il a fallu de chances, de soins, de volontés, de décisions, de travail et de techniques exclusivement voués à sa préservation, si, d’un clic, on se persuade du droit illimité à la posséder, en disposer, la contempler ou autres formes d’appropriation et de jouissances, dans les meilleurs délais et au moindre coût ? Ainsi devrait-on toujours la main tremblante et l’attente religieusement fébrile, aussi lire les grands textes qui ne sont pas de notre siècle et avancer dans les musées ou les lieux que l’on dit — d’un mot si galvaudé — culturels.

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Pour écrire un il faut deux lettres, mais seulement trois pour tracer six — ça fait coup double — comme pour le huit où quatre suffisent.

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Contraire et contradictoire ne se contredisent pas nécessairement, ce peut être contrariant pour qui aime prendre toujours le contre-pied, proposer une contrepartie, juste pour faire contraste, exprimer un a contrario ou présenter un contrepoids, voire un contre-poison. Y a-t-il quelqu’un pour contredire ?

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Connaissez-vous les livres de Jean-Marc Lovay ? Cela vaut la peine d’abandonner les prescripteurs officiels : « Il m’est arrivé de retourner ma table pour avoir l’impression de travailler après un tremblement de terre. J’ai écrit comme ça, sur ma table retournée comme un plafond qui m’écrase. » Tentant non ?

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Petit exercice de destruction à la massue d’un pléonasme courant et pénible : « C’est toujours le cas dans notre monde actuel » !

Soustraction n°1 : C’est toujours le cas dans notre monde actuel, suffirait amplement, puisque s’il est le nôtre, il nous est de facto actuel, terme à supprimer.

Soustraction n° 2. Mais : C’est toujours le cas. dans notre monde, est encore mieux ! puisque dans notre monde et actuel, n’ajoutent rien de plus ou de nouveau à ce que toujours signifie.

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Cette anecdote est fort connue, mais on ne s’en lasse pas :

Caligula allait jusqu'à prier à souper un de ses chevaux, nommé Incitatus, à lui servir de l'orge dorée, et lui donner à boire du vin dans des coupes d’or ; de plus, il jurait par le salut et la fortune de ce cheval, et promettait même de le créer consul, chose qu'il n'aurait pas manqué de faire, s'il avait vécu plus longtemps. Dion Cassius : L’histoire romaine, LIX, 14. (Toujours avoir un Dion Cassius près de soi.)

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La prée a disparu pour qui ne l’a pas cultivée, lui préférant les champs de l’ignorance où jamais non plus il ne vit de fés.

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Huet, évêque d’Avranches (XVIIème siècle) -musicien, philologue, janséniste, érudit, écrit une « longue, cruelle, freudienne autobiographie qu’il eut la volonté de composer en latin » pour « l’interdire à la médisance et au regard de ceux qui n’entendent rien. » (dixit P. Quignard in Le nom sur le bout de la langue). Que n’a-t-on maintenu ces élégantes mœurs !

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« Il y a des phrases qui cognent à la vitre » (A.Breton in 1er Manifeste du Surréalisme - 1924). Il faut être écrivain pour les attendre et entendre.

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Nul ne peut prendre la mer à bras le corps.

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Le 20 juin 451, Attila est battu aux Champs Catalauniques.

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L’expression a minima signifie « qui éloigne à partir (a ou ab en latin) du minimum vers quelque chose de plus grand (ad majorem) », elle est donc toujours employée fautivement.

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La vie, « ce petit mot d’une syllabe, presque un soupir… » Henri Calet.

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Au hasard de et dans la Correspondance de Rimbaud : « il serait préférable que vous m’envoyassiez (par retour du courrier etc…) ; il se pourrait que je les suivisse (les missionnaires)

Je m’encrapule.

(Je vous serais) superbondé de gratitude. (Et nous donc !)

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Sur la lecture.

31 Mai 2020 , Rédigé par pascale

 

 

     Vous êtes entouré de livres. Mais vraiment entouré. Il n’y a pas chez vous une distance de moins de 2 mètres sans livres, empilés, entassés, détassés, posés, en équilibre, ouverts à l’envers, sur les marches des escaliers,

sur les tables, la grande, la petite, le moindre rebord de fenêtre, la moindre niche, les fauteuils. On ne peut plus s’asseoir. Ils ne sont pas rangés. Ou plutôt si : ils sont là où ils ont été posés au moment où il a fallu les laisser pour vaquer à autre chose. Là, cela veut dire descendus depuis les étages où ils occupent les autres espaces, en vrac ou alphabétiquement, ça dépend. Ou selon leur rang, leur temps, leur fréquentation parfois. Mais pas toujours, ce n’est pas possible. Certains devraient trouver place à deux — trois ? — endroits différents.

     

Parfois, il m’arrive de jalouser les maisons où ils sont bien traités. Où pas un ne dépasse ; où l’on n’aperçoit pas, même vaguement, lequel est en cours de lecture. Lequel, au singulier, bien sûr, car personne — ou si peu — ne vous dira en avoir plusieurs inachevés ou en chantier simultanément ; cet après-midi, j’en ai compté sept. C’est ainsi, après moult tentatives et autant de résolutions, que je pratique la lecture. Plurielle, morcelée, adaptée à l’humeur, au jour, à la saison, à l’intérêt, à la conversation amicale récente, au désir. Et, pour les classiques, philosophiques et littéraires, la relecture impérative. Il y a ceux que j’appelle mes « chouchous » que je peux à peine quitter. Je passe de l’un à l’autre, et, forcément, à un moment, une ligne de l’un vient résonner ou heurter une ligne de l’autre. D’où l’importance, la nécessité d’avoir près de soi les trois outils indispensables — selon moi — au lecteur aguerri : un crayon, pointe feutre et/ou surligneur ; des marque-pages en nombre ; des bouts de papier. Et cela, quelle que soit la qualité de l’édition… c’est rude, mais c’est comme ça !

     Et voilà comment, l’après-midi d’un dimanche pourtant ensoleillé paraît-il, j’ouvre une fois de plus — et après plusieurs autres — j’ouvre Le bruissement de la langue de Roland Barthes (Essais critiques IV).

Ce n’est jamais innocent de laisser traîner un livre qui vous a, un jour même lointain, ébloui par l’intelligence de son analyse, ce qui n’a rien à voir avec les formules éculées du genre « changé la vie » ou « ouvert l’esprit » prononcées sans que la plus petite preuve en soit apportée. Dans ce recueil et comme sémiologue, Roland Barthes réunit là de nombreux écrits dans lesquels, il est vrai, on ne peut entrer facilement sans quelques clefs. Pour autant, de l’intensité de son travail spécialisé, on retiendra ce qui se dégage si l’on est de ceux pour qui la rencontre avec l’écrit fait toujours miracle. Peut-être faudrait-il préférer le terme d’écriture qui suppose d’exclure l’insipide, le plat, la mode, le succès coefficienté au nombre d’ouvrages vendus, les passages à la télévision ou les articles de complaisance. Barthes dit que « la liberté de lecture, c’est aussi la liberté de ne pas lire. » Pas de contre-sens : ne pas lire veut dire ici, selon les lois de groupe, les micro-lois auxquelles on se sentirait tenu d’obéir. Lois des recommandations de votre libraire et autres prescripteurs — bibliothèques ou « clubs de lecture » ; à propos des bibliothèques, il dénonce, avec politesse, leur facticité : toujours le livre désiré n’y est pas, dit-il, toujours un autre (vous) est proposé. Elles opposent le réel au désir, ce qui traduit une frustration inévitable, soit la Bibliothèque est trop grande, soit elle est trop petite. Dans tous les cas, elle est inadéquate. On s’y promène, on la visite, on ne l’habite pas. Bien sûr, bien sûr ! Il faut, évidemment, que les livres habitent chez vous, ceux de bibliothèque faisant l’objet d’une dette puisqu’il faut les rendre, et le livre privé pouvant être saisi, agrippé, attiré, prélevé. Sans médiation. Si l’on ajoute qu’il fut acquis et choisi par vous et pour vous, et non par d’autres et pour n’importe qui, Barthes est trop élégant pour le dire ainsi, on commence à saisir ce qu’être lecteur veut dire.

         L’abolition totale et impérieuse du monde que suppose et exige toute lecture — et tout livre — digne de ce nom, est une violence. Rien à voir avec une aimable et passagère mise à l’écart, aux heures choisies de notre oisiveté. Elle nous désinvestit du monde extérieur. L’expression est forte. Elle ne peut se rapporter à l’idée d’un plaisir qui aurait des équivalents dans la vie ordinaire. La lecture selon Barthes a quelque chose à voir avec l’énigmatique, la fascination, la captation. Un rapport fétichiste avec le texte, avec l’écrit. Plaisir aux mots, à certains mots, à certains arrangements de mots. A aucun moment il ne dit que narration ou récit entrent de facto dans cette catégorie : cela ne signifie pas qu’ils n’y sont pas, mais, s’ils y sont, ce sera en raison d’un plaisir métonymique. Sans négliger que tout grand livre fait aussi promesse à son lecteur, y compris non tenue, mais promesse, d’écriture.

        

 

 

 

 

Il y a, dit-il ailleurs (in Le plaisir du texte) un plaisir intense, succulent, et même érotique aux mots inattendus, aux mots qui brillent, indépendamment de leur difficulté, rareté, voire pédanterie, parce qu’ils cassent les stéréotypes, auxquels il faut opposer un principe absolu de méfiance. On pourrait même ajouter qu’il faut se méfier de qui ne se méfie pas des stéréotypes. Comme il y a du tourisme du masse, il y a de la lecture de masse. Barthes, dès les années 70, la fustige : répétition honteuse des contenus, superficialités des formes, morale de la platitude. Des livres dont les auteurs, bien qu’écrivant ne sont pas écrivains et pour qui jamais l’écriture, son mystère démiurgique, n’a fait l’objet d’une réflexion, d’un inconfort, d’une perte de quiétude ou de confiance. Il est logique que de tels livres, « agréables », « formidables », ne bousculant pas notre rapport aux mots ni le rapport des mots au sens, il est normal qu’ils nous procurent du contentement. Mais cela n’a rien à voir avec le langage tapissé de peau, un texte où l’on puisse entendre le grain du gosier, la patine des consonnes, la volupté des voyelles, toute une stéréophonie de la chair profonde.

 

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