inactualités et acribies

« La dernière simplicité »*

31 Décembre 2022 , Rédigé par pascale

* un titre de F. ​​​​​​Ponge in Pièces.

 

Que les heures à venir vous soient essentiellement douces et goutues

et les jours à vivre de mille muets triomphes.

 

Huîtres-citron - 1886- Guillaume FOUACE (1837-1895) 

Coup de cœur pour le coup de pinceau de ce Normand aux huîtres remarquables.

 

Le même - les mêmes (1883) - même coup de cœur.

(les connaisseurs distinguent ci-dessus des plates et plus haut des creuses.)

 

 Guillaume FOUACE né en Cotentin.

Nacres -reflets et voluptés.

- Guillaume FOUACE - Huîtres et Chablis -( acquisition 1891)

 

 

 

 

 

 

 

Henri MATISSE - Nature morte aux huîtres - (1940)

 

 

 

 

 

 

Henri MATISSE - Huîtres et tulipes sur fond noir - 1943

 

 

Pieter CLAESZ - Petit déjeuner aux huîtres - (1633)

LE Peintre des Vanités très haut sur le podium de mes émotions esthétiques ;

- et toujours un citron semi-pelé en bord de table nappée de blanc.

 

CAILLEBOTTE - Nature morte aux huîtres - (1881) - (ou de l'inconvénient d'être uni-célèbre (pour une seule œuvre)) 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Trois Nature morte avec huîtres de MANET. Les deux dernières sont de 1876 - 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Eugène BOUDIN, autre Normand. A droite 1853-1856. A gauche 1850.

 

 

Jan STEEN - La Mangeuse d'huîtres (1658-1660)

*

S'il vaut mieux les manger seules et seul(e) que mal accompagné(e), il n'est de plus belles joies que de les gober toutes en Amitié perlée. 

 

Que les heures à venir vous soient essentiellement belles.

24 Décembre 2022 , Rédigé par pascale

 

 

 

 

Ghirlandaio – Adorazione dei Magi degli Innocenti circa 1485-1488

La construction parfaite. L’équilibre résolu. Splendeur des rouges et des bleus. Transparence dosée de la lumière. Luxe et douceur. Silences et présences.

 

 

 Dürer circa 1503-1504 -

Admiration sans fin pour Le Burin du Graveur (dédicace personnelle).

 

 

 

 

Cette Nativité est au couvent San Marco de Florence, plus sûrement de Fra Angelico mais possiblement de Gozzoli, un disciple – 1440.

Douceur des plis et tombés – Supériorité du simple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

             Zurbaran – Nativité – 1636-1639 

 

 

 

 

 

Botticelli – circa 1476

Autre perfection qui confirme qu’en art le chef d’œuvre est unique. Mais autant de fois qu’apparaît le génie, il est plusieurs.

 

Le Brun – Adoration des bergers – 1689 –

Symphonique et souveraine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chagall - Le Père Noël- (1954)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           Chagall - Fantaisie de Noël - (1938)

 

 

 

 

 

Rubens (détail) - Seul le silence 

 

Gustave Doré – Circa 1880

 

 

Gauguin – 1902

Nativité  ou naissance ?

 

 

 

Chagall - toujours.

 

Georges de la Tour – Adoration des bergers – 1645

Le plus connu peut-être de cette galerie éphémère, aléatoire, fascinée … qu’à force de voir on oublie de regarder.

 

Il Caravaggio – 1609

L’introuvable. Volé et peut-être détruit par la Mafia sicilienne en 1969.

(Les recherches n’ont, cependant, jamais cessé)

 

Mélanges, miscellanées, miettes - 21-

17 Décembre 2022 , Rédigé par pascale

 

 

Bergerie, hostellerie, épicerie, garderie, confiserie, pâtisserie, crémerie, corderie, soierie, sucrerie, galerie, prairie, broderie, causerie, bouquinerie, chocolaterie, herboristerie, confrérie, cristallerie, verrerie, closerie, jardinerie, papeterie, librairie, cidrerie, orangerie, miellerie, fruiterie, diablerie, cuivrerie, brosserie, brasserie, écloserie, raffinerie, parfumerie, pelleterie, bijouterie, joaillerie, imprimerie, galanterie, espièglerie, cordonnerie, chamoiserie … donc b-l-o-g-u-e-r-i-e. Certes, des esprits mal tournés trouveraient des contre-exemples, mais ici, ils ne passent pas ; aussi, je ne dis pas « sur mon blog » beurk, mais « en ma bloguerie » … C’est quand même plus élégant ce me semble.

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Irrésistible : « Faut-il être un menuisier étourdi pour s’enfermer entre quatre planches ! » - Eric Chevillard.

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Le Wineglobe : la très laide trouvaille récente d’un maître de chais français, pour désigner les tonneaux de verre dans lesquels il envisage dorénavant de faire vieillir le vin … ce qui fait deux laideurs.

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Toute métaphore n’est pas bonne à dire surtout si elle se double d’une métonymie de la même espèce : « Et de fil en aiguille, je suis tombé dans l’alcool » !

Et dans la droite ligne – si l’on veut – des formules radotées qui sont des crucheries dont le seul et dérisoire mérite est de gonfler le sottisier que je constitue pour épingler la déliquescence de nos usages paroliers :  Un (ici lister tout ce que l’actualité propose de tristes sires connus ou inconnus), donc Untel « a été suspendu après avoir avoué …  (et là lister tout ce que l’actualité propose de comportements innommables et abjects) ». J’aimerais bien aussi qu’on nous dise à quel suspensoir et comment et par où on l’arrima. Ce suspens est parfois, avouons-le, un tantinet tendu.

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Un tichodrome échelette a élu domicile sur le donjon pour l’hiver.

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J’ignorais – mais n’en ai point confirmation, appel discret à qui de droit – j’ignorais que lors du centième anniversaire de la mort de Rimbaud, soit en 1991, quelques quidam(s) eurent l’idée bienmalvenue d’adresser, sous un nom d’auteur modifié, le manuscrit (tapuscrit ?) des Illuminations à cinq maisons d’édition françaises, dont on a la cruauté de préciser qu’elles sont parmi « les plus importantes ». Et que pensez-vous qu’il arriva ? Cinq envois, cinq refus. Tout autre commentaire serait de l’acharnement, aussi je me retiens. Sauf de dire, mais qui sont ceux-là qui se prennent pour juges et qui ne sont rien ?

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Dans Le Nouvel Observateur du 31 juillet 2014, on apprend, par Philippe Sollers que Willy disait du couple qu’il formait avec Colette :

 « Nous avons eu des parties de silence inégalables. » 

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Le dernier livre reçu par Colette en son lit de douleurs, fut Bonjour tristesse de Françoise Sagan avec cette dédicace : « À Madame Colette, en priant pour que ce livre lui fasse éprouver le centième du plaisir que m’ont donné les siens. ». Nul ne connut la réponse.

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S’il manque aux phrases d’un texte écrit en français – indépendamment de sa longueur, sa forme, du sujet qu’il traite, de son époque – s’il lui manque un rythme, une mélodie, des assonances, résonnances et échos, des rimes intérieures, balancements, ruptures volontaires – contre-pieds et contre-temps, asyndètes, syncopes – des allures ou tempo, cadences, silences, lignes harmoniques, ampleurs symphoniques, balancements et barcarolles, maîtrise de l’incise qui est une brièveté sertie dans le développement, sens de l’équilibre de la période latine, pirouettes et autres cabrioles tant par le génie propre des mots, que par l’infinité des possibles que les règles enserrent … s’il manque l’un ou l’autre ou plusieurs ou l’ensemble – ce qui fait passer du véniel au mortel – il ne vaut pas la peine : ni celle que l’auteur prit, anéantie par ce constat de carence, ni celle du lecteur, insurmontable dès les premières secondes. Mais si nous ressentons l’impérieuse nécessité de lire en articulant, à mi-voix, à voix haute, d’incorporer les phrases et le tout en nous levant et marchant,  serions-nous et surtout si nous sommes dans le plus grand silence alentour –  mais aucune nuisance sonore ne pourra jamais nous arracher à un grand texte – nous voilà dignes descendants des moines copistes qui bourdonnaient en écrivant ; nous sommes, à cet instant précis, serait-il de quelques pages ou quelques lignes, à-l’intérieur-de-nous-hors-de-nous, dans un trop-plein d’être inassouvi, au contraire de la frustration qui resserre, restreint, rabougrit, rapetisse et ravale l’esprit. Nous sommes alors une citadelle imprenable. Tout le reste, qui se peut concevoir au titre de la diversion ou du divertissement, devenus loisirs contemporains, tout le reste est négligeable.

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Pour passer de blâme à blême, il n’est pas même utile d’enlever son chapeau.

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« Vérifiant les bagages des voyageurs du car Vimoutiers-Lisieux à l'arrêt de Pontallery, les gendarmes de Saint-Julien-le-Faucon ont verbalisé contre M. Jean Laroche, employé de chemin de fer à Paris et saisi les 14 kgs (sic) 500 de beurre qu’il transportait. » (Source : Le Bonhomme Libre-Juin 1948).  Autres temps …

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         Dans l’interminable série « le stagiaire tient la plume » dans la presse locale – mais dans la nationale aussi : (…) « une autopsie ne devrait pas avoir lieu avant quelques jours. La date de ses obsèques, qui devraient donner lieu à un hommage ne peut donc être fixée à ce stade. »

         Ce qui donne en français lisible et ordinaire pour ne trahir ni l’auteur ni son niveau : « Une autopsie aura lieu dans quelques jours. La date des obsèques à laquelle un hommage lui sera rendu, n’est, à ce jour, pas encore fixée. »

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Picorées gourmontiennes (In L’Ermitage et Promenades philosophiques)

  • Un imbécile ne s'ennuie jamais : il se contemple.
  • La plupart des hommes qui disent du mal des femmes disent du mal d'une seule femme.
  • L'intelligence n'est peut-être qu'une maladie, une belle maladie : la perle de l'huître.
  • Il a connu Claude Bernard, Flaubert, Barbey d'Aurevilly, Goncourt, Manet, Villiers de l'Isle-Adam, Renan, Taine, Pasteur, Verlaine, Tarde, Mallarmé, Puvis de Chavannes, Marey, Gauguin, Curie, Berthelot ; il connaît Rodin, Ribot, Renoir, France, Quinton, Monet, Poincaré, — et il se plaint ! Il crie à la décadence de sa patrie : Ingrat  
  • Je n'ai presque jamais copié une citation moderne sans m'apercevoir à la troisième ligne combien c'était mal écrit.

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Du même, in Des pas sur le sable (1914) : « Quand un peuple n'ose plus défendre sa langue, il est mûr pour l'esclavage. »

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A l’instant où je m’apprête, suivant l’invitation de l’ordinateur par moi sollicité, à couper un passage de document pour le copier ailleurs, j’hésite et suspends ma main au-dessus du clavier, telle la lame de la guillotine ou le bistouri du chirurgien : ce jour, il s’agissait de consigner que le peintre Manet mourut amputé du pied gauche. Il ne fallait pas que je rate mon coup (de pied ?) n’est-ce pas ?

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Entendre le toit bruire sous la pluie ou entendre la pluie bruire sur le toit ?

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Mise en abyme d’un lapsus :

— oh ! un chou Roudinesco ! 

— Non, Romanesco !

— ah ! oui, suis-je bête Roudinesco !

… et là, je m’enfonce dans l’abîme de l’abyme ou comment faire un lapsus psychanalytico-mathématico interminable : Elisabeth Roudinesco est, comme on sait, l’historienne « historique » du freudisme et du lacanisme. Le chou romanesco dans sa teinte vert pomme et par sa construction en fractales, un chef d’œuvre géométrique de sculpture végétale. L’un à l’autre qu’ont-ils à se dire qui passerait par moi ?

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Les inavouables – nouvelle rubrique ? :

— Dali : « Louer une petite vieille bien propre, au plus haut degré de décrépitude, et l'exposer habillée en toréador, en lui posant sur la tête, préalablement rasée, une omelette fines-herbes : laquelle tremblera par suite du branlement continu de la petite vieille. On pourra aussi poser une pièce de vingt francs sur l'omelette. »

— Breton, Clair de terre : « Et j’avais, pour ma consolation philosophique, le souvenir de l’homme qui, consulté sur ce qu’il aimerait qu’on fît pour lui quand il viendrait à mourir, demanda qu’on plaçât dans son cercueil une brosse (pour quand il tomberait en poussière). ».

Dans le Journal de Claudel : « Chaque élection ouvre une vue d’ensemble sur la bêtise et la méchanceté des Français […]. Peut-on imaginer un système de gouvernement plus idiot que celui qui consiste à remettre tous les quatre ans le sort du pays […], non pas au peuple, mais à la foule […]. Tous les quatre ans la France désigne ses représentants dans un accès de catalepsie alcoolique. » cité par Morand dans le Journal inutile.

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« Afin de mieux connecter les élèves entre eux, sur le plan humain, des bancs de l’amitié sont disposés dans certaines cours d’école. À M… la formule fonctionne depuis quatre ans. »

Ciel ! et qu’avons-nous fait ailleurs et avant sans formule et sans bancs bien disposés ? point d’amitié dans les cours d’école ? Il faut, au génie qui fit cette trouvaille, la reconnaissance de la nation ! Notons que l’usage du verbe « connecter » oblige à préciser « sur le plan humain » … et que, bien sûr on n’échappe pas à un pléonasme « connecter … entre eux » !. Soudain, grosse fatigue !

 

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Ce Rondel si beau – in Poésies de Charles d’Orléans – 1391-1465 – qu’on apprit un jour tout entier mais dont on n’en retint seulement : « Yver, vous n’estes qu’un villain ! ». Cet autre, découvert dans la même jolie et simple et cousue édition de 1926 : Le monde est ennuyé de moy/Et moy pareillement de lui:/Je ne congnois rien aujourd’ui/Dont il me chaille que bien poy. (1ère strophe).

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Prononcez souffle, prononcez siffle et vous savez pourquoi vous ne pouvez les confondre.

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Dans un texte pourtant de haute tenue « Nobody’s perfect » vient ponctuer une longue réflexion : nous sommes là, précisément, au cœur de la lutte. Voici des intellectuels – un aréopage de psychanalystes – dont le niveau d’expression écrite et la culture sont au-dessus du commun, mais qui remplacent une expression française par une anglaise, qui plus est, exactement équivalente, pourquoi ? mais pourquoi donc ? Illustration d’une imprégnation totale (et irréversible ?). Personne n’est parfait, en effet !

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« Dans la mesure du possible, j’évite tout contact avec moi-même. Hypocondrie. » Eric Chevillard.

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Le virus appelé « corona » en raison de sa forme en couronne, est un nom commun masculin en français. Le renommer « corona virus » et même « coronavirus » est déjà une facilité de type anglobal, et l’on aurait dû garder la construction française « virus Corona » comme pour d’autres – le virus VIH, Ebola etc. ; en revanche, la maladie qu’il provoque – la Covid – est féminin en français (qui, faut-il encore le rappeler, distingue le masculin du féminin)  en raison de la règle d’accord suivante, qui n’est pas un caprice récent : dans le cas d’un sigle ou d’un acronyme (corona virus disease) c’est le genre du nom constitutif du sens du syntagme que l’on retient, soit ici disease, maladie, féminin en français à l’instar de la CIA, qui est l’Agence (féminin) centrale d’Intelligence, à l’inverse du FBI, le Bureau (masculin) fédéral d’enquête. Voilà trois ans, trois ans … que l’on entend mille fois par jour la même la même la même faute … et que nous sommes une poignée à dire la Covid.

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Pierre Michon in Tablée : « Le chapeau voilà le génie »

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Diderot, Salon de 1769 : « Valade … qui n’est pas un peintre pauvre, mais un bien pauvre peintre » Puissance toujours indépassée du chiasme (prononcer kiasme, merci).

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On appelle poulier, dans le département de la Manche, un amas de galets roulés par la mer, le long des côtes crayeuses. Avant d’y parvenir, vous avez pu voir quelques ragosses – qui sont, en Basse-Normandie, le nom féminin de l’arbre étêté.

Le mulon, par ailleurs, est un tas (de sel extrait d’un marais salant, de sable ou de foin dressé en forme de meule.)

Il est difficile d’avoir les trois en un même lieu, sinon la page où l’écrire.

         *

Justement, de Barbey d’Aurevilly depuis la Normandie, et picorés au hasard de son Journal : « (un temps) spleenétique » – « (un bain de pieds brûlant et fortement) sinapisé » – à Caen « (levé vers 11 h etc.) déjeuné avec des huîtres » – plus loin, « allé à Luc – Lucques – sur mer en tilbury découvert lancé au galop » – toujours à Caen : « dîné : n’ai mangé que des huîtres de rocher. »

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Ponge : « La poésie est certes le résultat d’une maladresse, d’une confusion de mots, d’un rapprochement de racines (plein de goût) ».

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L’apagogie ou démonstration par laquelle on fait voir la vérité d’une proposition en prouvant l’absurdité de son contraire a toutes mes faveurs. A cela on connaît aussi l’élégance intrinsèque d’un raisonnement mathématique.

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La baisure est le côté par lequel deux pains se sont touchés dans le four. Ce mot est une croustillante perfection !

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Rivelin est le nom perdu que les marchands de chaussures donnaient aux souliers détériorés par une longue exposition, qu’ils cédaient, en conséquence, à bas prix.

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Dans Salon de 1859, Baudelaire :  Corot, antithèse absolue, selon lui, de Rousseau (le Douanier) car il n’a pas assez souvent le diable au corps.

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Menacée d’extinction, l’huître plate pourrait revenir dans les assiettes. Ostrea edulis, vieille de plusieurs millions d’années, fait l’objet de toute l’attention des scientifiques et conchyliculteurs français qui tentent de restaurer les derniers bancs sauvages de ce mets d’exception.

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         J’en demande pardon aux lecteurs délicats, mais ce que je reproduis – in extenso et, las ! fidèlement – mérite une indignation partagée :

« La démocratie écologique passe effectivement par la prolifération des espaces discursifs. C’est pas (sic) surprenant que la dimension subversive de cette manière d’instituer nos interactions avec le territoire suscite une contre-offensive à la hauteur de la déprise que ça implique pour les actuels bénéficiaires du productivisme. » Ce genre de chyme est particulièrement développé chez des auto-proclamés chercheurs, qui se refilent des feuilles de chou illisibles en leurs cercles étroits. Irrespirables.

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La Princesse Palatine traitait Madame de Maintenon – la veuve Scarron – de tous les noms, dont guenippe – qui semble pouvoir s’orthographier guenipe – soit, une femme de mauvaise vie. Admettons. Notre intérêt se porte sur l’origine possiblement normande de ce terme – gouenipe – dont une des déclinaisons – gouine – faisait, en ce pays de brouillards, un synonyme non péjoratif de « femme ». Chacun sait que Madame de Maintenon a vu le jour à Niort. Aussi ce lien ténu, caché et incertain avec la Normandie nous plaît, avec quelques autres. Comprend qui sait.

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Mots croisés malins : il tua la moitié de l’humanité : Caïn

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« J’ahanerais volontiers sous une langue à scansion de rémiges, au vol ramé, à la cadence d’amble » Daniel Klébaner in Le désert et l’enfance (Champ Vallon, 1988),

dans lequel je trouve aussi ces mots jolis : le « justement » pour dire quelque chose qui sonne juste ; le pourvoiement (de la rencontre toujours opportune) ; l’écriture est un revenu qui vient en dormant ; Partout, levant les yeux, l’on voit une main courante de mansuétude ; l’absentement de la voyelle ; une somptuosité par défaut en quoi je lis et vois une approche au plus près de la perfection, l’absolu peut-être, par défaut d’inélégance, de déséquilibre, de dysharmonie, de vulgarité, par excès de distinction, de politesse, de beauté même. Tels sont certains alexandrins classiques aussi les audaces poétiques d’après, insolences syntaxiques gaillardes, énergies d’écritures à l’estomac, ou impertinences métronomées.

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Je ne cesserai jamais d’affirmer que la pensée est une conquête du langage dans lequel elle se loge et demeure.

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« Une société qui supporte d’être distraite par une presse déshonorée court à l’esclavage » Camus

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« Je me suis prise dans les barbelés d’un roman policier américain. Ce n’est pas un mince danger que ces romans en chemise jaune et noire » In OC Colette Pléiade t IV – notes et variantes pour Paris de ma fenêtre, note 1 pour la page 614.

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On les appelle les midinettes, parce que, travaillant loin de chez elles et n’étant pas fortunées, elles se contentent à midi d’une dînette, un repas rapide pris sur le pouce. Elles travaillent dans les ateliers des maisons de couture parisiennes, tirant l’aiguille à longueur de journée (10 heures de travail quotidien) pour confectionner les robes sur mesure des riches clientes, souvent oisives. (début du 20ème siècle, les années 1917-18)

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La défiguration d’un philosophe.

11 Décembre 2022 , Rédigé par pascale

 

Il faut redire notre gratitude aux patrons d'échoppes emplies de livres jusqu’à la gueule, ouvertes le dimanche et les jours fériés, où l’on peut flâner sans savoir ce que l’on cherche – ce qui est la définition même de la flânerie – mais où l’on trouve surtout ce à quoi l’on ne s’attendait pas. En ce lieu – j’ai ma préférée, et même ma seule, en bordure d’Atlantique – quand vous entrez, on ne vous demande pas ce que vous êtes venu acheter. Certes vous avez vos points cardinaux préférés : Littérature inconnue et inlue française des 19ème et moitié du 20ème siècle, ses auteurs oubliés ou leurs opus moins connus ; toute Poésie ; Pléiades état parfait toujours ; Philosophie. Pour d’autres moins sectaires que moi, il y a tout le reste, l’immensité ! Le tenancier vous dégote hic et nunc – ou vous a dégoté depuis quelques jours – une perle et l’a tenue au secret jusqu’à votre passage. Il est patient et prévenant. Il sait que vous viendrez et fait chauffer le café.

Et la trouvaille n’est pas toujours celle que l’on croit. Après avoir refait le monde – le monde des livres, la plupart du temps – et celui de la fatuité de nos contemporains, redit et vibré à son amour inconditionnel pour la gente féline, avoir reconnu – à force – ses amis passant là juste pour l’embrasser et qui vous reconnaissent à leur tour, vous entreprenez une perquisition en règle, munie d’une curiosité qu’il ne faut ni borner ni présélectionner, n’est pas archéologue en bouquinerie qui veut. Ainsi, dans le rayon le plus insusceptible d’invention – au sens, hélas perdu, de mise au jour – pour moi, celui de la Philosophie, où j’avoue être en bonne place dans la compétition, je dénichais une sorte de narration biographique des derniers mois de la vie d’un philosophe dont j’aime l’âpreté, la rigueur, l’exigeante exactitude, à l’opposé de son existence construite, si l’on peut dire, sur des ruptures, défaites et défis ratés. Le petit livre se cachait dans une pile encore à terre et non triée, l’acquisition toute fraîche d’une « bibliothèque » de philosophie l’expliquant et pour moi, le plaisir d’écrouler d’une main le petit échafaudage reconstitué instable de l’autre.

         Il faut le dire tout de go, l’affaire ne tient ni dans l’écriture – fort terne et, défaut majeur et contemporain, qui tire à la ligne en descriptions inutiles et plates de détails qui n’apportent rien à l’ensemble – ni dans l’exégèse, absente, de l’œuvre philosophique du « personnage », alors quoi ? Ce qui fit le prétexte et le fil de cet opuscule et que j’ignorais, parce qu’en son œuvre cela n’est jamais dit et que les biographes passent en courant d’air sur ce « détail » quand ils n’en font pas totalement abstraction, il fallut le retrouver en quelques lignes définitives, chez le meilleur d’entre eux, R. Monk. J’appris que le philosophe fut, pendant un an, condisciple d’Adolphe H, à la Realschule de Linz. Il ne m’en faut pas plus pour me lancer dans tout ce qui peut et a pu se dire sur la question, la longueur du temps passé ne supposant pas le succès de l’opération.

         Les deux élèves – Adolphe H. et Ludwig W. – six jours d’écart au calendrier mais  deux années scolaires, dans le même établissement en 1904-1905, cela fait peu pour nouer des liens ; l’exclusion d’Adolphe, pour indiscipline et manque d’appétence pour le travail, ne pouvait en faire un allié, encore moins un camarade, en aucun cas un ami de Ludwig, lequel, dans le petit livre arrangé comme on parle du rhum arrangé dans les îles c’est-à-dire, amélioré, aromatisé, accommodé en seule vue de plaire au goût, lequel devient le personnage inventé d’une enquête imaginée à la toute fin de sa vie. Quelques détails vrais font tenir l’ensemble : ses derniers jours où, malade du cancer il est recueilli chez les Bevan à Cambridge, le mari étant son médecin, l’épouse son amie devenue, ce n’était pas gagné ! Il n’y a, évidemment, aucune valeur épistémologique, nonobstant quelques oasis biographiques exacts, à cet ouvrage. Le credo éditorial de la collection en fait foi : « Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle ». Nous voici prévenus du seul prétexte qui justifie que Ludwig Wittgenstein, authentiquement contemporain d’Adolphe Hitler à Linz pendant l’année scolaire 1904-1905, devienne le personnage factice d’un récit inventé dans lequel des passages de Mein Kampf, où Hitler parle d’un jeune Juif dont il aurait fait connaissance en sa jeunesse, ne pourront nous convaincre qu’il parle de Wittgenstein et/ou de lui seul. Ce petit livre au titre très musilien – Le Désarroi de l’élève Wittgenstein – quelle que soit son habileté à entrelarder biographèmes et inventions, dérange la pratiquante de l’œuvre du philosophe, pervertie pour servir un intérêt narratif fictionnel. Alors que le Tractatus logico-philosophicus – œuvre majeure et seule publiée du vivant de Wittgenstein – s’achève sur la célèbre formule qui est tout sauf un aphorisme mais un concentré de l’entièreté des raisonnements ultérieurs, Tout ce qu’on ne peut dire il faut le taire, et suppose une réflexion aiguisée tant sur le langage que sur la vérité, celle-ci est inversée pour supporter l’idée d’un soi-disant indicible secret, daté de l’année à Linz pour devenir « Ce qu’on ne peut taire, il faut le dire ». Le Wittgenstein, personnage inventé, se met à envisager une explication rétroactive et pseudo-psychologique pour l’authentique formulation philosophique de l’autre Wittgenstein, dont toute l’œuvre s’écrabouille alors contre le mur du pressentiment invérifiable, lequel, pour faire plus sérieux, serait celui d’un aveu inconscient. Car il est vrai, pour qui retourne au véritable Wittgenstein, qu’il lut Freud vers 1919 et en parla en termes de sagesse et de séduction, ce sont ses mots. Mais ce n’est pas une raison, pour le dire simplement, pour tordre mille fois et l’histoire et la biographie et une œuvre philosophique de haute volée.

         Autant le dire, le Tractatus est relu au filtre de Mein Kampf, et inversement, de manière indolore, ce qui est une escroquerie intellectuelle sous couvert de vraie-fausse biographie, de roman, de littérature. Wittgenstein, complice d’Hitler, pour n’avoir rien dit de ce qu’il aurait appris de l’élève Adolphe, en confidence, 14 ans chacun, alors que ce dernier évoluait à un niveau écolier deux fois inférieur. Qu’il existe une photographie sur laquelle les deux garçons sont présents, est en-deçà d’insuffisant.  Les spécialistes ont démoli l’imposture. Il est certain, en revanche, que le lecteur lambda auquel on ne peut en vouloir, pourrait se laisser prendre à ces pièges très bien ficelés.

[Cf. archives :3 novembre 2021 : Wittgenstein, la cafetière et le geste auguste du facteur]

ou comment les approximations fâchent un esprit acribique.

6 Décembre 2022 , Rédigé par pascale

 

(…) ergo sum

                          chacun reconnaît là les deux derniers tiers de l’affirmation cartésienne la plus célèbre et la plus malmenée de la philosophie française, détachés du syntagme latin, Cogito ergo sum, si régulièrement tordu pour parvenir à des fins dont il ne procède pas ou plus banalement pour … frimer. Ce morceau amputé depuis le corps tout entier — pris pour la conclusion alors qu’il s’agit de la conséquence de la question de l’identité confondue alors avec l’existence — est constitutif d’une double erreur grossière reportée, évidemment, sur l’ensemble. Bien que la traduction je pense donc je suis s’ajuste au latin sans difficulté apparente quand on s’abstrait des raisonnements longs et exigeants dans lesquels elle s’insère, manquant alors la signification forte – celle de Descartes justement – du verbe esse sur laquelle elle repose, elle vérifie la célèbre paronomase, traduttore-traditore, il ne s’agit pas d’un écart acceptable mais d’une faute lourde philosophiquement parlant : ces deux verbes être (en français), esse (en latin) ne ressortissent pas à la pensée comme une probation d’existence, ils ne font pas la preuve que j’existe - car j’existe, bien sûr – mais établissent l’équivalence logique et ontologique irréfutable entre le-moi-sujet et la-pensée.

         Je suis sum en latin — 1ère personne du singulier du présent de l’indicatif du verbe esse : ceci pour les non-latinistes auxquels on précisera que le pronom « je » n’y est pas « sous-entendu » comme on l’apprend en classe, mais contenu tout entier ; en disant « sous-entendu » on lit et fait lire le latin à partir du français et non à partir de lui-même. Or, il n’y a aucune autre possibilité de traduire sum en français qu’en lui « extirpant » pour l’antéposer, le pronom personnel « je » ; il en est toujours ainsi —aucun verbe ne déroge. J’entends les latinistes revenir à la charge ou à la décharge, pour rappeler la présence occasionnelle ou contingente de « ego »1 qui, précisément, se rapporte à celui qui se (re)tourne vers lui-même, passant du je au moi, au moi-même, au moi-même-du-moi ; si étrange ou étranger à moi que je puisse sembler être quelques fois,  je suis toujours moi dans mes perception, conscience, sensation brouillées, atomisées, altérées – ce dernier mot faisant droit au sentiment légitime et prégnant, parfois, que quelqu’un d’autre que moi est en moi, ou agit en moi voire en dépit de moi, jusqu’à consentir à l’illusion commune qu’il n’y a plus de « je » pour pénétrer cet impénétrable, qu’entre les deux « juridictions » il y a rupture, étanchéité. Des formules dorénavant très ressassées (« j’ai pété un câble » ; « je n’étais plus moi-même » ; « je ne sais pas ce qui m’a pris ») en témoignent. Outre qu’elles posent un problème de responsabilité nous dédouanant à peu de frais par toutes formes d’excuses (« j’ai des problèmes » ; « je n’étais pas en forme » ; « je suis malade … amoureux … jaloux … alcoolique, etc. ») ce qui n’est pas notre objet ici, elles sont avant tout un moyen plutôt efficace d’annuler avant même de la poser la question essentielle : « qui suis-je ? ». Affirmer à l’envi « Je pense donc je suis » ne suffira pas.

Soyons cartésien stricto sensu, non pour arranger une démonstration que Descartes n’aurait pu valider et le convoquer pour servir ou desservir une difficulté qu’il n’a jamais abordée, et commençons par faire vœu de clarté. Le Discours de la Méthode — où le cogito comme disent les familiers des textes et de l’auteur, est inséré en son quasi centre géométrique et en français, sa langue d’écriture — loin d’être un texte autonome ou indépendant, est l’Introduction au triptyque scientifique inconnu des non spécialistes : La Dioptrique, Les Météores et La Géométrie. Ceci pour arrondir les angles de lecture et ajuster les besicles de ceux qui, un jour, ont mis le nez dans cette œuvre majeure à tous points de vue, pour n’en retenir que … trois mots latins qui n’y sont pas ou cinq français portés sans précaution au pinacle de toute référence philosophique.

Il faut y aller voir de très près. On ne s’approprie pas un montage rationnel aussi parfait sans savoir d’où il vient, de quoi il procède, sur quoi il s’est construit 2, car la prudence tant historique que philologique n’est plus de mise et « le cogito », objet domestique de tout philosophe en herbe devenu, s’est mué en objet non identifié voltigeant par-delà les siècles, les concepts, les significations, les précisions et les difficultés par assuétude ou satellisation des esprits mis en orbite autour de leur propres faiblesses ; ainsi est-il devenu l’abréviation métonymique la plus rabâchée, vidée de toute densité, vainqueur haut la main du concours Lépine des citations.

C’est dans les Méditations, – précisément la Meditatio secunda – présentées par une « Préface de l’auteur au lecteur » souvent omise des éditions courantes, rédigées en latin, ce qui n’est pas sans importance, et postérieurement au Discours, que l’on va croiser une autre formulation fort intrigante : ego sum, ego existo. On s’étonne qu’on ne s’étonne pas. Exit ergo, intrat ego : suppression du rapport logique et ontologique au profit de la stricte équivalence entre être et exister, aussitôt mise à mal, il faut toujours lire un peu plus loin. Que je sois ou que j’existe, cela appartient-il au même champ de certitude ? Celle d’exister va de soi, celle d’êtrece que je suis/ quisnam sim – beaucoup moins. Ma nature de sujet s’éprouve comme une insatisfaction première, chronologique et ontologique. Que suis-je ? 3 demande Descartes, moi qui suis certain que je suis. Ce « moi » - ego ille – étant une condition préalable résolue – dans la Première Méditation et dans le Discours – il reste, si l’on peut dire, à établir à quelle indubitabilité supérieure il faut corréler ce je suis ; rien à voir avec un questionnement shakespearien ni quelque angoissant effondrement moral, encore moins une proposition de lecture psychanalytique des textes qui interrogerait Descartes sans user ou plutôt sans maîtriser les outils-philosophiques-de-Descartes. Précisions.

On oublie un peu vite, et peut-être ignore-t-on, qu’il y a un préalable et modèle impitoyable et contraignant à la méthode cartésienne : la certitude mathématique érigée en archétype de toute certitude. Il n’y a pas lieu de le déplorer, pour les deux raisons suivantes : la première appartient à l’ordre biographique – la psychanalyse, surtout quand elle fait de Descartes son contre-exemple favori, ferait bien de regarder de près la part avouée et la part réservée qu'il fait à l’enfance dans ses textes 4; la seconde appartient à l’ordre philosophique pour lequel, ce que la raison érige par elle seule, indépendamment des convictions, opinions y compris des savoirs transmis par la seule autorité des maîtres, trace un chemin, une méthode, d’accès au vrai. Les mathématiques sont ici un parangon de certitude, on ajoute indubitable sans risquer le pléonasme, nos certitudes habituelles étant toujours susceptibles de supporter le doute. Descartes, dès la Préface des Méditations met les choses au point :  dans son intention durable et cela depuis le Discours, il n’a eu de cesse de montrer qu’il n’y a aucun autre savoir à propos de (mon) essence sinon que (je suis) une chose qui pense, ou une chose qui a en soi la faculté de penser. On ne le dira jamais assez et pour ma part, je ne cesserai jamais de rectifier les reproches infondés qu’on formule contre lui. Traduisons à l’usage des interprètes déloyaux – j’appelle ainsi tous ceux qui soumettent à leur usage tout raisonnement, travail, réflexion, qui ne peut accueillir ce qu’il n'a jamais conçu :  on l’a peut-être compris, je m’insurge ici contre une utilisation frauduleuse du travail philosophique de Descartes, dont une occasion supplémentaire me fut donnée récemment, dans un texte où l’on parlait de « l’insuffisance de la distanciation » vis-à-vis de soi-même qui a mené Descartes à considérer les animaux comme des êtres dénués de toute pensée. A quoi le signataire s’autorise ce jugement ahurissant : Descartes aurait peut-être pu éviter cet écueil s’il avait poursuivi plus avant sa démarche de distanciation par « j’ai conscience que je pense, donc je suis » ce qui lui aurait permis de laisser aux animaux la possibilité de penser. Précisément, Descartes ne peut éviter un écueil qu’il ne rencontre pas ; c’est très mal connaître la subtilité de sa pensée et son mode d’écriture tout en reprise et de laquelle elle procède, y compris la peine qu’il se donna – une rareté à l’époque – de soumettre ses textes à l’examen critique des plus hauts esprits de son temps et de rédiger de longues réponses à leurs objections. C’est méconnaître aussi, ce que, avoir conscience signifie à l’époque – dans tous les cas, rien qui puisse s’apparenter à une instance psychique. Pour trouver le cogito assorti au sum, il faut ouvrir les Principia philosophiae (I,7)5 ; on lit alors ego cogito, ergo sum, qui ne fait pas de la nature de l’homme – ce qu’il est quel qu’il soit, sous toutes les espèces, pour le dire comme Aristote – un être conscient de ce qu’il pense, mais de cet énoncé une vérité absolument indubitable. Prenons-le, comme il se peut la plupart du temps en latin, en commençant par la fin : je suis donc une essence – ergo sum – par la disposition et l’usage d’une pensée, en propre, en moi-mêmeego cogito. Non seulement jamais Descartes ne « réduit » la pensée à la pensée consciente, mais son œuvre toute entière est parcourue d’exemples, d’illustrations, d’hypothèses et de propositions d’usages de la pensée étrangers à toute rationalité (les rêves, le doute hyperbolique …). Il sépare franchement la ratio essendi de la ratio cognoscendi, la seconde – la démarche, la méthode, calquée sur les mathématiques – permet d’établir la première, elle ne la recouvre pas.

         Faut-il dire, comme on le lit parfois, que Descartes inaugure une nouvelle subjectivité, ou, bien plus grave, l'émergence d'un individu capable de penser par soi-même 6? c’est le tirer où il ne va pas, faire un abus de lecture au prétexte rudimentaire – insupportable et stupide selon moi – qu’il y aurait toujours des idées implicitement à venir chez ceux qui précèdent les novateurs du moment, la pire acception du mot « interprétation » laquelle est fort répandue dans les exercices scolaires qui font demander aux élèves « ce que l’auteur a voulu dire » mais jamais « ce qu’il a dit ».

 

         1. qu’une oreille non latiniste ou latiniste fatiguée, entend encore dans « égoïsme », « égotisme », « égocentrisme ». 2. à cet égard lire – pour les contextes littéraire, religieux, intellectuel en général – le chapitre 12 de La diplomatie de l’esprit de Marc Fumaroli, sous-titré « de Montaigne à La Fontaine » un monument ! (Hermann – 1994). 3. ce qui ne peut se substituer à qui suis-je ? 4. Elle est immense ! Par ailleurs, nous savons que, jeune élève des Jésuites, Descartes brillait en mathématiques5. 1644. Et, pour mémoire, Discours de la Méthode 1637, traduit en latin en 1644, édité pour la 1ère fois en cette langue seulement en 1657 – Descartes était mort depuis 7 ans - ; Méditations métaphysiques 1641. Le procès de Galilée est encore dans toutes les mémoires, l’homme condamné par l’Eglise, mourra en 1642. 6. à ce seul critère, Socrate est, chronologiquement et philosophiquement le premier !

Reflets

2 Décembre 2022 , Rédigé par pascale

 

 

 

L’yver aux pieds nus

fondus en blanche herbette

tant froide qu’à parler

en terre les mots gèlent.

*

 L’encre de la mer couleur de violette

où se mouillent mes doigts

et barbouilleurs de brumes

un ciel lie-de-vin qu’emboit le monde gris.

 

*

         Aux balcons si rouillés tant ventrus et baroques

         s’agriffe la lumière des soirées siciliennes

         en fragiles virgules balancées dans le noir.

        

*

Effleurée de bleu, la jacinthe

d’un mince trait de plume

et le lin blanc du soir.

 

*

Je soufflais sur les braises

et l’angelus se mit à sonner.

*

 

L’automne dessine à la feuille d’or

ce que j’écris à l’encre noire.

 

             *           

Poussière pruinée de bel envol

devant dedans de moi

quelque chose a passé.

*

Toujours le silence balbutie un peu

avant de vaciller

et de ronger l’écrire.

 

*

Je rêve de folles chevauchées dans les bois de santal

croque-mitaines mangent mes yeux

où tombent les freluches

de soie de verre de glace

s’arrêtent et se retournent

mes mots

se regardent écrire,

étonnés d’être là tout au bord du volcan.

 

*

 

Il est venu le temps de l’absence de l’oubli

de l’escapade heureuse

fou le vent fou

fait ramper dans les champs l’odeur bleuâtre du vinaigre.

 

*

 

Sous ses semelles de sable poussaient des mimosas

aux mille cents grains de poivre d’or

 

et brûle le cristal du froid impossessible

dans l’antre-noir.

*