inactualités et acribies

Nous avons tant de ciels et de lunes à nous dire

26 Février 2023 , Rédigé par pascale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Yves Klein 

 

 

Juan Mirò - Lune et Soleil - Pochoir - 1959

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                               Juan Mirò - Mur de la lune - 1958         

 

 

Dali - Nature morte au Clair de Lune - 1927  

                                         

 

 

 

 

 

 

 

               

                                                                                                                                                                            

 

Paul Klee                     

 

 

 

Magritte - Architecture au Clair de Lune - 1956

 

 

 

 

 

 

 

 

Magritte - Le Banquet - 1958

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Magritte 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chagall - Le Paysage bleu - 1949

 

 

Dali - Le philosophe illuminé par la lune et le soleil    

 

 

ce que voient les mots

20 Février 2023 , Rédigé par pascale

 

        

herbes mauvaises et marées de morte-eau

font refuge à la vouivre 

aux roseaux de Moselle

je ne vois plus feufoleter les lucioles

 

*

        

le nuage a crevé

         par la flèche épointée d’un mot jeté en l’air

 

 

*

 

les ciels fermés à double tour

à l’horizon plaintif l’encre devenue sèche

noyée dans ses maculatures

 

*

 

j’entends le chant du balafon

dans l’ombre cuivrée fragile

long bataillon sans fin

et les chapeaux couleur café

 

*

 

Les rocs croquent le sol de leurs crocs pénétrants

aux troncs des oliviers

l’ombre vernie soleilleuse du temps

avance à remotis

tout autour de la terre

 

         *

 

longueur de l’eau que longe ma langueur

les vers fragiles d’un psylle charmeur de dunes

se prêtent aux ancrures et aux oaristys

 

*

 

dans la friperie de la mémoire

souvent je vois une théière bleue

et ses parfums de roses

décoiffer l’ordre blanc d’entre les mots

 

*

 

seule la beauté présente est belle

d’une plume en posant une goutte de lune

dans les plis du papier

 

*

 

et dessine derrière la blanche ligne

d’un avion bleu

l’étincelante lame d’acier d’un rêve

 

A la recherche de mots perdus - 9-

15 Février 2023 , Rédigé par pascale

 

Soudainement l’envie me prit de lantiponner bien que je l’ignorasse, tel Monsieur Jourdain se mettant à parler ne savait qu’en sa forme il usait de la prose. Lantiponner ne signifie pas faire le prosateur, non, mais il faut savoir qu’on ne sait pas qu’on lantiponne tandis qu’on dit des riens, des frivolités, des balivernes., carabistouilles et calembredaines. En lantiponnant on ne choisit pas pour autant de mal dire ou de mal écrire, de bâcler les phrases ou les tournures, – ça, les gens sérieux le font très bien avec des mots ordinaires, – non, en lantiponnant on peut, et même on doit puisque le contenu s’évapore en fichaises, décider que des mots jolis, rares, inempruntés ou inconnus feront le jeu aux dépends du sérieux.

Et voilà qu’en baguenauderie je me rendis, tout à mon affaire : cueillir des mots avant qu’ils ne fanent ou se dessèchent, faute du soin qu’on doit à toutes pierreries si l’on veut en maintenir l’éclat. Mais la question se pose, le veut – on ? ou plutôt, pourquoi ne le veut-on pas ?  Ne tombons pas en application, avançons, l’aubaine est au bout des chemins de traverse et c’est seulement une fois trouvées que les pépites font les orpailleurs.

Tout commença par la mauvaise nouvelle qui jeta devant mes yeux sans que je le cherchasse, le cimetière des mots sortis d’un dictionnaire bien connu, il y a de cela quelque temps mais pas tant. Ma précipitation tendit à l’affolement. On annonçait 447 abandons, éliminations, bannissements, assassinats, tandis qu’en présentant la scène du carnage, on se réjouissait par avance de n’avoir surtout pas à les réintroduire un jour. Adonc et d’un bond je me précipitais à la lettre pour laquelle je voulais vérifier la présence d’un mot que, pour ma part, je ne prends pas pour perdu, mais dont je sais par ailleurs qu’il l’est, sauf pour les rimbaldiens, Picasso, Léon Bloy, le vocabulaire médical et quelques égarés – autant dire qu’il n’existe plus dans les textes d’aujourd’hui, ni dans les conversations. Il semblerait même que Bloy ait inventé le verbe à partir du substantif, pour tout dire qu’il s’agit chez lui d’un hapax. A la lettre « P » de l’abécédaire assassin des mots pendus, perdus, sacrifiés sur l’autel dorénavant funèbre de la joliesse ou de la rareté, la pandiculation n’était point. J’en pandiculai de satisfaction non feinte, je venais de sortir d’un court cauchemar, cela le valait bien : quelque chose comme l’agitation du gallinacé dessiné au fusain sur papier en 1938, par Picasso et

dont le titre Pandiculation du Coq nous oblige à regarder les ailes bien plutôt que le bec :  la pandiculation étant cet étirement tout particulier – auquel le nom étirement ne suffit donc pas – qui vous prend précisément au réveil, accompagné de bâillements, ce qui est un comble après dormir,  vous fait vous élonger férocement. Oh ! quel Rêve les a saisies/Dans les pandiculations ? s’interroge Rimbaud en 1871, il avait bien 17 ans.

Mais gardons le trait noir de Picasso pour souligner la liste des rejetés, des réprouvés et autres damnés de la mémoire vive de la langue. Je prélève incompréhensiblement jar ou jard espérant qu’il ne s’agit pas là de l’animal mais du banc de gros graviers et de sable mêlés – l’Académie n’accepte que l’orthographe jard – mais au moins elle l’accepte ; mouchure subit le même sort d’exclusion alors que le mot soutient au moins trois acceptions – l’Académie n’en reconnaît qu’une, et encore jusqu’en sa 7ème édition, pas après ; oblats, rédimé, saurin, R.I.P (Resquiescat In Pace), mêmes destins, avec eux, cafre et blanquisme, ou comment, pour ces deux derniers, anéantir la possibilité même d’apprendre deux bouts de géographie et d’histoire… Que pandiculation n’ait pas subi ce sort ne nous consolera pas pour tous les autres. Un mot rare ou rarement usité est toujours en danger de mort.

Mélanges, miscellanées, miettes - 22.

9 Février 2023 , Rédigé par pascale

 

 

 

« Bien souvent, c’est par le langage que l’autre s’altère ; il dit un mot différent, et j’entends bruire d’une façon menaçante tout un autre monde, qui est le monde de l’autre. »  (R. Barthes in Fragments d’un discours amoureux)

Idem ibidemque, « Faire attendre : prérogative constante de tout pouvoir. »  à quoi j’ajoute, et variation sur le thème de la négation, prérogative constante de la négation de l’autre alors « à disposition » de celui qui « fait attendre » – nous parlons, bien sûr, de qui érige l’imponctualité en système ou en prérogative par excuse d’identité du genre « je suis comme ça »  une indécence dont le but est de garder le bénéfice moral de toute situation. Selon moi, c’est raté.

*

 

« Pendant le confinement, on a vu qu’il y a eu une baisse drastique des niveaux sonores, surtout les sons anthropiques, donc liés aux transports et à l’activité urbaine » : (signé) unetelle, psychologue de l’environnement. » La somme des remarques à formuler contre ce monument de suffisance crétine l’emportant sur ma patience, j’y renonce : elle éclaire notre inacceptable et coupable « bienveillance » à l’avachissement du français oral et écrit, pour ne rien dire du surgissement de cette insoupçonnée profession « psychologue de l’environnement ». Il est bien connu que l’environnement dispose per se, d’une psyché, d’une âme, à laquelle on peut, dorénavant, accéder. Il suffira d’en écouter les bruits !

J’approuve René Daumal qui hésite entre le désespoir et la philosophie.

*

 

La conscience de l'humanité ! Il s'agit de trois douzaines de journalistes qui gagnent leur vie en élevant des phrases, comme un paysan en élevant des veaux (Remy de Gourmont in Epilogues). Subitement, j’ai un doute, n’ai-je pas déjà rapporté ce trait offusqué ? Mieux vaut (veau) deux fois que pas du tout …

*

 

« (…) l’abondance des romans. Chacun y va de sa petite « observation ». (…) l’ambition des auteurs ne va pas très loin. Le caractère circonstanciel, inutilement particulier de chacune de leurs notations, me donne à penser qu’ils s’amusent à mes dépens. On ne m’épargne aucune des hésitations du personnage : sera-t-il blond, comment s’appellera-t-il, irons-nous le prendre en été ? Autant de questions résolues une fois pour toutes, au petit bonheur ; il ne m’est laissé d’autre pouvoir discrétionnaire que de fermer le livre, ce dont je ne me fais pas faute aux environs de la première page. Et les descriptions ! Rien n’est comparable au néant de celles-ci ; ce n’est que superpositions d’images de catalogue, l’auteur en prend de plus en plus à son aise, il saisit l’occasion de me glisser ses cartes postales, il cherche à me faire tomber d’accord avec lui sur des lieux communs. » André Breton, Manifeste du Surréalisme. (1924)

*

 

Tel Gide – in La porte étroite – on aimerait avoir à dire ou pouvoir écrire un jour la suite de cette formule définitive : « L’instant qui décida de ma vie … »

*

 

Il arrive qu’on se prenne des accès de purisme totalement déplacés. Ainsi de croire que le verbe ravoir n’existe pas. Mais si ! Exclusivement à l’infinitif pour toutunchacun, conjugué à tous les temps pour le Normand causant (on ne parle pas en Normandie, on cause) patois. Ainsi : je rai, je ravais, j’ai reu ou ru, je rerai, je reais, que je raie etc. Adonc je ne me ferai plus ravoir.

*

 

Je ne pense pas, contrairement à ce que prétend un (médiocre) article consacré (superficiellement) à Francis Ponge, que, pour lui l’usage de la parole est une incessante poursuite des choses mais la poésie une incessante poursuite des mots.

*

 

« Un adressage précis » plutôt qu’une « adresse précise » ? Cela doit relever des nouvelletés langagières très empreintes de pédanterie. Molière reviens !

*

 

Ainsi cet exemplaire d’empâtement – hélas, hélas, lu dans l’infolettre (je rectifie, bien sûr) d’un lieu de haute et belle tenue intellectuelle depuis des décennies – j’en témoigne personnellement. Courage ! Le principe étant d'exposer une sélection des ouvrages qui, potentiellement, pourraient intéresser les personnes présentes, afin de les proposer à la vente. Certains profitent de cette occasion pour se procurer des livres appartenant directement à leur champ disciplinaire tandis que d'autres préfèrent s'aventurer dans des découvertes plus larges. Il aurait suffi d’écrire tout simplement : nous souhaitons, par la création de cette bibliothèque éphémère, exposer une sélection d’ouvrages intéressant le public présent et lui permettre d’acquérir ceux qui concerne un champ disciplinaire précis ou d’en découvrir de nombreux autres. Cela sans trahir ni amputer le message.

*

 

Zouzou et Léopold descendent l’escalier – petits dessins à l’appui dans un livre destiné aux très jeunes enfants. Page suivante, Zouzou et Léopold montent l’escalier – petits dessins etc. – Armance, 2 ans passés mais pas encore 3 : « Non, ils RE-montent l’escalier ! » corrige-t-elle d’une voix déterminée.

*

 

« Il est des êtres qui ne peuvent exister et subsister que par la négation d’autres êtres. (…) On les connaît à la nullité de leurs travaux positifs. » Valéry – Cahiers II (Pléiade p. 1208) 

*

 

Je ne comprends pas qu’on ne comprenne pas : la « croissance » induisant l’augmentation quantitative de toutes choses, il fallait, il faut et faudra, nécessairement, augmenter quantitativement tout ce que leur fabrication exige, puis leur utilisation, et la réparation des nuisances et autres défauts (euphémisme) qu’elles engendrent, ce qui oblige à fabriquer d’autres objets qui eux-mêmes etc. Que cela soit une progression — vers l’abîme — on peut le concevoir, au moins par l’étymologie, mais un progrès, en aucun cas.

*

 

Nous apprenons que dorénavant « Le conducteur perd le contrôle de son ensemble routier » … cette catastrophe d’écriture est le péché d’orgueil.

*

 

Avec l’envahissement du français par des tournures anglolaides et d’ailleurs fautives dans leur langue originelle, la perte des règles fondamentales de la syntaxe est un danger mortel déjà largement répandu.

         *

 

Non, je n’oublie pas la collecte des pléonasmes : Rester prudent quant à la suite à venir ! peut légitimement être ajouté à la liste toujours plus longue, avec la fameuse surprise inattendue … à laquelle il faut toujours s’attendre.

*

 

Le zeugme est l’une de mes figures de style préférées, et peut-être bien ma !

*

 

J’ignorais l’existence du verbe metter, pourtant fréquemment employé par toutunchacun dans ce genre de question : que metteriez-vous ici ?

*

 

On emploie peu (euphémisme !) le terme valétudinaire peut-être parce que l’oreille y entend en première intention et intonation le valet qui sent sa soumission à ses maîtres pourtant historiquement décapités. Le valétudinaire étant d’abord esclave de ses propres faiblesses et autres langueurs indépassées, le terme mériterait d’être remis en circulation à l’égard de qui s’asservit et se complaît dans la célébration de tous ses maux à longueur de mots et de temps.

*

 

On connaît itou, bien qu’on l’ait oublié et n’en use plus, mais on ignore nitout, non plus, qu’il faudra s’efforcer d’écrire de temps en temps dorénavant. Déjà dit ? peut-être … tant pis !

*

 

         Nous aimons penser que les pavés – quand ils ne sont pas des livres épais, par métaphore fixée dorénavant – sont de solides et grosses pierres enchâssées dans la chaussée, de moins en moins il est vrai pour être manifestement devenus des armes par destination. Pourtant, il y eut des pavements de bois, y compris à Paris aux xix et début du xxè siècle, et autres grandes villes de par le monde et bien avant. On les appelait pavés debout, car le bois usité découpé et placé dans le sens des fibres les renforçait considérablement. Plutôt rhombes d’ailleurs que carrés – notamment dans l’ancienne Russie, leur assemblage savant par des systèmes de chevilles et de rainures reposant sur du mortier, amortissait les bruits. On en rêve tout éveillés quand on entend un traîne-valise-à-roulettes dans la nuit profonde venir de loin, passer sous vos fenêtres et disparaître longtemps dans l’insupportable retentissement en écho de son irrespectueux bagage.

         *

 

         Longtemps on croyait avoir perdu une partie du De Republica de Cicéron, laquelle réapparut – il n’y a vraiment pas d’autre mot – au début du xixème siècle après grattage – victorieux ! – d’un manuscrit en onciale de Saint Augustin, égaré – à moins qu’on l’eût déplacé – aux cours des âges et pour d’obscures raisons jusqu’aux tréfonds de la bibliothèque vaticane … Un raclage curieux, intempestif et délicat mit à jour l’intitulé cicéronien, palimpseste oublié depuis longtemps, puis, petit à petit son entièreté. Il ne restait plus qu’à le mettre en ordre et à disposition des savants et érudits sans oublier les étudiants (qui peuvent le consulter pour quelques piécettes en édition dorénavant courante, voire quelques clics). Cela s’appelle un texte redivivus, ça parle tout seul.

*

 

         Zinzolin, le terme et la couleur découverts il y a quelque temps déjà chez Remy de Gourmont, à nouveau in Clair de terre de Breton – Yeux zinzolins.

*

 

Prélevés chez Gaston Miron – lire, relire, rerelire Miron, il le faut absolument (L’homme rapaillé, Poésie – Gallimard aussi et ici pour l’époustouflante introduction d’Edouard Glissant) – prélevés donc, outre le magnifique rapaillé du titre, en vrac : batèche ; épilobe ; fardoche venus du Québec ; et les long-courriers de mes désirs ; je m’en vais en délabre ; la souffrance la pas belle … Touchée à cœur !

         Une palinte, en revanche, n’existe pas. Dans un entretien déjà ancien, Miron raconte qu’il s’agissait d’une erreur du typographe (plainte): Quand j’ai vu ce mot-là, je l’ai trouvé tellement beau que je l’ai laissé une palinte osseuse. Mais, comment traduire une telle trouvaille à moins de l'enchâsser entre guillemets, en toute frustration pour un lecteur non francophone …

         *

 

Réjean Ducharme le si bien patronymé – lire, relire, rerelire Réjean Ducharme : « L’écrevisse est la femelle de l’écrivain » in Le nez qui voque. Et du même : « Si je te parle, ce n’est pas parce que j’ai quelque chose à dire ; c’est parce que j’ai envie de parler ». 

*

 

Cette énergique et désappointée formule pour achever une lettre de refus très fâchée envers un officiel politique qui voulait le médailler de l’honneur en légion – lui, un saltimbanque plein de talents, exemplaire rarissime ; je crois  pouvoir avouer m'en saisir (4 verbes à la suite !) à l’occasion, car elle convient aussi à une missive dans laquelle on partagerait avec son destinataire toutes les raisons d’être en colère :

« Passons malgré tout une bonne journée »

*

Sans reprendre souffle.

3 Février 2023 , Rédigé par pascale

 

Aux pourpris de mon cœur l’est un ypréau blanc qui fait l’encre apâlir et sécher les étangs couvrir d’une invisible cendre la pointe des nuages d’où tombe un flocon bleu d’argile ou porcelaine — à peine. Crocheté à la lune dans la soirée d’un jour de soleil au midi éclaboussant la plaine, ce diamant aigle noir fiché serti d’une beauté tragique emplissée dans la froissure des mots. Les mots, essourdis de silence gagnaient les campanules ourlaient la plaine brune qui collait à la peau du monde. Il ne fallait pas être ni naître répondait l’écho — écrire seulement.  

D’une saison l’autre les pivoines ébaudissaient les roses tant épeurées au passage du terrible taranne dans le beau ciel grisé de traîne-misère. D’une mémoire l’autre le long du flanc saignant du volcan roulait un aride gravier enrobé de lave embrasant la mer incendiée les mains incandescentes les ombres alouvies les bouches affamées. D’un bord l’autre jusqu’aux confins jusqu’aux tréfonds jusqu’au bout du monde des cris aux crânes ponces creusaient de vertigineux cratères. A tire d’aile floribonde jusqu’à la fin des temps des ans des heures des peu des riens qu’on a pris pour le tout, restait la beauté blanche entre les mots sa diaphane présence invisiblement saisie par quelques seuls.

De l’arbre enfleuré albero infiore cueillir ombre et parfums, entendre son rire insolent risata spavalda plus triste encore que toute gaîté triste si belle pourtant qui a planté des vanilliers au pied de la muraille où nulle autre terre jamais ne pourra lever une telle beauté vernissée émaillée de pluie de brume dans le froufrou des feuilles le friselis des mots le frôlement du temps à deux doigts des paupières.

Sur la vitre close un paysage intérieur gribouillé un carré de verdure et son nuage blanc c’est un dessin d’enfant sans rime ni raison de trouver les mots qui jouent à cache-cache sur le dos des moutons tombent les pattes en l’air laissent les murmures éclater en plein vent saisir les bras radieux du soleil hurlante méduse ouroboros roulé à l’infini repeint en rouge ou en violet — peut-être. Barbouille les troncs de noir et tourne des tornades vives et jaunes dans les champs bleus de lin les chemins concassés parapets fracassés qui retombent en ruines. Laisser, surtout laisser l’âme morte de l’homme gris de cendres descendre en ses enfers. Je ne suis plus dépareillée de moi à la fontaine des joies simples et de l’inépuisable vibrato du tout.