inactualités et acribies

quadrature du cercle et puissance de l'imperceptible

20 Novembre 2017 , Rédigé par pascale

   On attribue le succès multiséculaire de la géométrie euclidienne à sa parfaite conformité aux données de l’expérience immédiate. L’intuition spatiale juste!... Les lignes sont des droites, et les parallèles ne se rejoignent jamais, même si je promène un regard circulaire sur l’horizon courbé, et qu’au bout d’une longue ruelle aux côtés bien rectilignes, je ne perçois pourtant plus qu’un point! Sous cet aspect, le monde est polygonal. Foin des Pythagore, Parménide et autres Empédocle qui l’affirment rond. Car la Sphère, qui enferme la totalité des existants et en porte toute la sacralité, la Sphère est... sphérique, arrondie, rebondie dans ses rondeurs.* Mais que deviennent les droites qui parcourent ses surfaces, interne ou externe? des cercles! Et quand ils sont plusieurs à passer par le même point ? ils dessinent une gerbe ! Les mathématiciens modernes –Riemann, Lobatchevski- ont découvert ce que les physiciens grecs savent depuis deux mille cinq cents ans, et les aventuriers depuis bien moins : la curvité de notre monde. Une révolution, en somme! D’un point à un autre, le chemin de la ligne reste le plus efficace mais collée à la surface de notre globe, cette droite est géodésique, curviligne, elliptique! et autour d’elle qu’y a-t-il ? De l’espace, disent les physiciens. Pourvu qu’il soit rempli ajoutent certains. Einstein. Démocrite, Epicure. Un espace vide est un non-sens dit Empédocle. Ou comment on rencontre les particules des uns, et les atomes des autres ...

   Remarquable le vocabulaire qui prétend rompre avec l’ancienne physique et qualifie de quantique la “nouvelle” mécanique du monde -M. Planck, 1924-25- eu égard au quantum d’action qui intervient comme constante non négligeable de tous les phénomènes matériels. Une certaine quantité d’énergie! Mais comme toutes les conditions requises pour son observation, sont si concrètement inaccessibles, elle serait bien en passe de devenir une véritable qualité de la nature! Heisenberg. Pas une illusion, ni une erreur. On a même parlé de variables cachées ! Et certains scientifiques -B.D’Espagnat- acquiescent timidement à l’idée d’une réalité double : celle que l’on peut observer et connaître, et l’inconnaissable, indépendante, celle des particules élémentaires… d’Empédocle? Disons-le autrement : il reste dans la connaissance du réel, une part égarée, irrégulière. Tous les évènements élémentaires favorables à la construction et à la régulation du monde s’organisent, ils sont donc passibles d’intelligibilité majeure, mais quelques-uns résistent que n’absorbe aucune logique, ni aucune instrumentation suffisamment secourable.

 

   Une échappée belle, qu’Empédocle a toujours adoptée comme irréductible, essentielle et interdite d’heuristique. Un mur de briques ne sera jamais une mosaïque!

 

   Les atomes ont des propriétés, des qualités qui, comme telles, doivent les rendre stables. On le sait depuis que le principe d’un mécanisme matériel fut pensable. Leucippe, Démocrite. Détermination et probabilité épuisent le sens du réel. Il n’y a de place pour rien d’autre. Ou l’ignorance. Sauf pour Empédocle, ou les quantistes, pour qui une réalité indépendante de nos facultés ne peut que s’entremêler à un réel plus simple dans sa description locale. Les atomes des anciens sont passés d’une géographie quasi immédiate, à une moderne suggestion régionale. Les physiciens se sont-ils faits poètes pour autant? et Empédocle est-il leur génial cacique, qui, à l’idée de connaître le monde, préfère celle de le comprendre, et encore! Si l’univers n’a pas de modèle, en revanche il est lui-même modèle, et notre aptitude à l’observation et au raisonnement ne doit jamais être en sommeil. La stabilité des atomes, de l’homme, partant, du cosmos tout entier, n’existe pas comme un état, un fait ou un bilan, mais s’atteint au point fragile d’une absence de collision et de chocs, impossible à envisager sans la notion d’énergie (νέργεια, la force qui agit) qui maintient le tout en équilibre, mais pas en permanence, ni au même moment pour toutes choses. D’où la turbulence cosmique qu’Empédocle a toujours privilégiée -une force si douce mais absolument inévitable- qui réalise le rassemblement des atomes en inventant la diversité des êtres. Alors la machinerie universelle ne fabrique pas seulement du semblable par addition d’unités de base. Il ne suffit pas, reprend Cicéron, de chercher l’origine de la matière, mais quelle force fait qu’elle advient. D’où vient l’énergie qui fait que les choses sont, question redoutable à côté de laquelle disparaît celle de savoir si elles sont. L’être est puisqu’il est l’Etre, répète inlassablement Parménide!

 

   Qu’il y ait des unités discrètes ou des infiniment petits ; que les atomes soient formels ou de subsistance ; que des impressions insensibles d’abord, fassent naître des perceptions ensuite ; que toutes ces portions ou proportions du monde se nomment monades, atomes ou corpuscules ; que des  paquets d’ondes, des spins ou mouvements de rotation partout s’agitent ; et que des quasars, objets quasi stellaires nous fuient à une vitesse approchant celle de la lumière... Encore une fois, d’où provient tant d’énergie? Pratiquant l’autopsie, au sens étymologique l’observation directe, comme moyen de la contemplation et non comme fin en soi, avec nous Empédocle laisse irrésolue la question de savoir quelle est la plus incommensurable, de la pensée humaine ou de la réalité? Laquelle puise ses forces dans les forces de l’autre?

 

*ibidem, 19 avril 2017

 

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P
et je n'ai pas voulu renoncer à cette douloureuse vérité. Je savais qu'elle trouverait de l'écho!
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D
"Un mur de briques ne sera jamais une mosaïque!" De toute évidence, la vérité fait mal.
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