inactualités et acribies

Folle et douce lumière du Noir

26 Janvier 2024 , Rédigé par pascale

 

D’aucuns ne me connaissent que de noir vêtue et je ne suis que de noir vêtue – à l’exception de quelques heures accordées à un châle noir et blanc. Le noir est de toutes les couleurs noires, cela est ma première raison : mat, brillant, profond, sombre, lumineux, opaque, noir charbon, noir corbeau, noir bleuté, gris-noir, noir cirage, selon qu’il teinte le coton, le lin, le velours, la laine, la soie, le fil, le drap, le cuir, le tulle, qu’il s’offre une broderie, une dentelle, un tombé, un plissé, qu’il soit froissé, ruché, doublé, transparent, qu’on y pique une rose de feutre noir ou une petite broche dorée. Sais-je exactement pourquoi ? si je le sais je ne le dirais pas, si je l’ignore aussi : l’harmonie des noirs dans leur diversité me suffit pour contourner – en cela comme en tout – les occasions de diversion, de divertissement d’un esprit qui rechigne bec et ongles à la dispersion. J’aime les couleurs – des fleurs, des ciels, des nuages, des pluies, des arbres, de la mer, des sables, des terres et des pierres, des mots, des sons, du monde, j’aime des peintres les monochromes, les fauvismes, les impressions frémissantes, les obsessions coloristes, les transparences, les volutes et les lignes droites, les effusions et les concisions, les excès de silence, les excès du silence qui fait le blanc si beau.

On ne reviendra pas, n’est-ce pas, sur les poncifs contre une couleur qu’il est de bon ton de désavouer : le noir est triste, le noir est angoissant, le noir est inquiétant, le noir est mélancolique, fait pour les pessimistes, les atrabilaires, il engendre la sinistrose, s’oppose à la joie et même à la vie ; autant de clichés ignorants ou oublieux de l’insondable et infinie puissance du nocturne comme nécessité métaphysique, cosmologique, thaumaturgique, esthétique, qui le réduisent à une noirceur barbouillée de moraline et de parénèse. L’obligation d’être joyeux, heureux, par injonction commune doit s’afficher en rouge, jaune, orange, vert, disons, ce sera plus rapide, en tout ce qui n’est pas noir – ni gris, bien sûr, sa version blêmie. On ne reviendra pas non plus sur le seul nom avancé par les pratiquants de la culture-petit-écran et gros titres pour qui Pierre Soulages est une exception tolérée et son outrenoir une dérogation à l’ordre chromatique, ce qui est faux. En revanche on ira, passionnément, à ceux, moins connus ou moins connus pour cela, qui ont célébré sa puissance créatrice, ubéreuse, son énergie onirique, sa fécondité poétique, son intensité visionnaire, sa mordante vigueur, ses insoupçonnables hardiesses et nuances mêlées.

          Pour y aller il faut partir de loin et de peu, entrer par les spélonques antéhistoriques sur les parois desquelles le noir à gros traits fascinants de précisions et de qualités graphiques nous porte aux émotions esthétiques les plus pures en des âges inconnus de la raison, touchés là par une grâce insoupçonnable.  

Du morceau de charbon de bois ou d’os paléolithique aux ampélites, encres, pigments, fusains, craies, du mur irrégulier de la grotte à la toile, au papier, vergé ou vélin, aucune rupture, aucune contrariété, aucune contradiction. Transcendant les temps, les espaces et l’univers connu tout entier en quelques nanosecondes, notre esprit et notre œil perçoivent encore, quand ils frissonnent plus tard, devant des gravures, estampes, peintures, encres si belles dans leurs noirs, ce lien fragile et infrangible.

         En 1904, le Conservateur du Musée national du Luxembourg répond à une demande du directeur des Beaux-Arts — faire entrer dans les collections d’art contemporain, une œuvre significative d’Odilon Redon —et choisit, en accord avec l’artiste, Les Yeux clos a. A cette date, les quinze dessins connus de nos jours sous le nom Les Noirs l’étaient beaucoup moins, au bénéfice d’un Redon moderne, comprenons, passé à la couleur. Il faut attendre le début des années cinquante, soit plus de trente ans après sa mort, pour que le Louvre acquière quatre dessins – vendus par son fils – et, une petite décennie plus tard, reçoive en don Le Calvaire, un crayon graphite sur papier vélin. La même année, le musée des Beaux-Arts de Bordeaux fut dépositaire, grâce à un don d’Albert Marquet, de Léonore (fusain) et Tête de femme de profil (fusain et pastel). Les marchands parisiens ne furent pas plus précoces, L’Araignée ou Araignée souriante (1881) 

trouva un acquéreur audacieux et résolu en 1952, cette œuvre exceptionnelle à tous égards, était propriété d’un ami et biographe de Redon, André Mellerio, par qui il approcha le cercle nabi. Quand, en 1966, les Noirs furent acquis par les Musées nationaux – i.e leur comité des conservateurs – L’Araignée était alors le seul fusain b. Le parcours chromologique de Redon l’aurait fait passer, dit-on couramment, des noirs angoissés aux « épousailles » c avec la couleur. Il ne faut pas hésiter, parfois, à contrarier les arbitres des élégances ou des commentaires : si les Noirs et les noirs de Redon, au crayon gras, à la plume, lithographiques, eaux-fortes, fusains … nous saisissent, c’est au motif, non de leur dimension oppressante mais de leur « inquiétante étrangeté », la proximité onirique reconnue avec nos chimères, croque-mitaines et autres monstres qui s’évanouissent au contact du monde réel, pour nous qui ne sommes ni des artistes, encore moins des génies. Ce n’est pas sans raison – précisément parlant, si l’on peut dire – que Redon crée et titre Dans le rêve, A Edgar Poe, Hommage à Goya. Dans une lettre à Mellerio en 1898, il affirme que s’il préfère le papier à la pierre – trop grave, revêche et dur(e) – c’est qu’il lui permet les aventureuses entreprises de (sa) fantaisie. Entendons ce dernier terme en sa signification forte en laquelle on perçoit le fantasme, l’hallucinatoire. Le papier cède, la pierre résiste poursuit-il, aveu qui relie le geste créateur aux plus profondes ou aux plus hautes – l’inconscient ne connaît pas les contraires – instances des énergies psychiques. André Mellerio, toujours lui, trouve les mots : on est hypnotisé – non par une sorte d’admiration coite devant un talent plus ou moins expressif – mais par la singularité complète, l’étrange bouleversante du non-vu. Ce saisissement, disons-le tout de go, que ses/les œuvres non-noires ne suscitent pas. Six lithographies sur Chine appliqué sur vélin, regroupées dans un album quasi confidentiel en 1898 — Hommage à Goya — sont accompagnées d’un récit de rêve, ou l’inverse ? que le mystère, un fou, des êtres embryonnaires, un étrange jongleur habitent. Huysmans est sous le charme – au sens strict –, les mirages d’hallucinations goyesques l’enthousiasment sans réserve ni retenue, Redon, dit-il, le Nécroman au crayon. Il faut dire qu’une telle plume ne pouvait pas ne pas s’accorder à un tel génie. 

 

         Soyons honnête, ce Redon-là n’est pas le plus connu ni le moins méconnu – la seconde moitié du 20ème siècle réparera cette offense – on a surtout et trop retenu la dernière période, dite japonisante, ou colorée, ou décorative – pour réparation inavouée à l’offense des noirs si noirs qui disent tant des images et rêveries de l’enfance et des lectures qui lui succèdent ? Redon a lu Poe, Flaubert, Baudelaire, il découvre Goya, il ne cesse de contempler les nuages … il saisit, au tréfonds des obscurités qui nous constituent des filaments lumineux que les surréalistes reconnaîtront pour leur, l’humour noir, celui de l’Araignée souriante, la Bataille des os, L’œuf (1885)

 pour les plus connus. Il écrit dans son Journal : Je ne crois pas que la pensée prise pour ce qu’elle est en elle-même, ait à gagner beaucoup dans ce parti-pris de ne considérer que ce qui se passe en dehors de nos demeures … Rapportons ces mots à certains de leurs contemporains, tant les écrits freudiens  « le Moi n’est pas maître dans sa propre maison » où la logique intrinsèque de notre inconscient nous conduit à notre insu – qu’aux Illuminations et autres enfers rimbaldiens, à Germain Nouveau, Mallarmé.

Soyons deux fois honnête, il y a plus inconnus encore dans ce maniement exceptionnel des puissances du noir et de la même façon imméritée :  Georges Dorignac, contemporain plus jeune, Léon Spilliaert, qui connaissait les œuvres de Redon. Voyez dans cet ordre  :

    

 

 

 

a) une huile sur toile contrecollée sur carton, première transposition en couleurs d’un fusain – 1890 b) savoir que dès 1907, une exposition Redon se préparait à … Rotterdam c) il dit – à la fin des années 1890 – qu’il a « épousé » la couleur.

- merci infiniment, Stéphanie -

Un os au fond de la mer.

19 Janvier 2024 , Rédigé par pascale

 

Bien que l’on sache qu’ils n’étaient pas toujours aimables, les héros de la mythologie grecque restent à nos yeux suffisamment grands, puissants – invulnérables, musclés, vigoureux, influents, infatigables – pour nous éblouir indûment, sauf pour qui les fréquente d’assez près. Qu’ils soient dieux, demi-dieux, humains exceptionnels à quelque titre que ce soit, leurs légendes ou les récits de leurs exploits nous sont connus dans un brouillard aussi épais que les brumes d’invisibilité déversées par Héra ou Zeus dans les récits homériques, des imprécisions que nous manions au prétexte d’une ambiguïté épique, signal d’un savoir mal maîtrisé, approximatif, flottant, dont nous nous satisfaisons à bon compte : les dieux, déesses, héros, naïades et autres nymphes n’ont plus besoin de nous : ils sont, au sens précis de Roland Barthes, nos Mythologies.

 

Quelles que soient les narrations – plurielles, confuses ou contradictoires – transmises depuis les confins de la mémoire humaine, les aventures lacunaires voire incohérentes de nos héros célèbres et mal connus semblent désormais figées en quelques moments, gestes ou mots définitifs. Franchissant les siècles, ils se sont statufiés, devenus parfois des slogans ou des marques … Piètre persistance de leur gloire passée, négation de la nature même du mythe inapte à toute banalisation, à toute logique.  

         On raconte aux enfants qu’une méchante sorcière viendra les punir s’ils n’obéissent pas, ne se tiennent pas sages ou ne mangent pas leur soupe, sans savoir d’où elle vient ni où elle repart, si elle a une ascendance, des descendants … Le Père Noël – plus affable il faut l’avouer – est dans le même cas : personne ne lui connaît de géniteur ni génitrice, ses pouvoirs sont immenses – ubiquité, maître du temps et de l’espace, multilinguisme avéré, prévoyance des désirs et comptable de leur accomplissement, miraculé permanent des saisons qui passent sans l’atteindre. On pourrait retrouver dans ces deux-là – un peu d’Héra, de Tantale, d’Hermès, de Zeus l’omniprésent, sans oublier, pour d’autres circonstances, les héros non divins – Damoclès, éternel épéiste planant au-dessus du monde qu’il tient dans l’inquiétude, de loin le plus fréquenté dans les tics de langage, avec Achille dont la fragilité ligamentaire n’a d’égale que la surdétermination oraculaire qui préside à son existence.

         Certes, les héros grecs sont courageux et forts, mais ils ne seraient rien sans leurs dieux et déesses tutélaires qui sont souvent leurs parents. On peut, en ces histoires sans logique mais pas sans mystère, demander secours et assistance à Athéna, Poséidon, Aphrodite et tous les autres … lesquels s’autorisent à décider en raison de leurs défauts très humains – jalousie, colère, rancune – de ce qu’ils accorderont ou refuseront. La valeur personnelle du héros n’est jamais suffisante, sans protections divines il n’est rien, lesquelles sont parfois distribuées hors légitimité explicite ; une seule chose semble échapper à l’exception : la nécessité de chercher sans fin à se les concilier – le succès n’étant jamais acquis.

Les héros des légendes grecques – aux origines divines multiples invérifiables – se fréquentent les uns les autres et-ou se retrouvent voisins ou parents de généalogies plus inextricables que les branchures jamais taillées d’une épaisse forêt. Nombreux ont un pied dans l’Olympe et l’autre sur terre, engendrés par les rencontres – violentes, amoureuses, fatales – des dieux et-ou déesses et des mortels des deux sexes. Pélops, fils de Tantale, un mortel mais un roi, est de fait petit-fils de Zeus d’un côté – mais qui ne l’est pas ? – et d’Atlas de l’autre. Voilà un légendaire fameux à qui rien ne fut épargné : réduit en fricassée par son père et offert aux dieux en festin pour réparation d’une inconduite mal précisée, reconstitué vivant par intervention d’une des Moires et le souffle de Rhéa, après que Zeus qui ne prisa point cette cuisine, donna un ordre contraire à Hermès, il lui manquait une omoplate – certaines versions disent une épaule, nous ne chipoterons pas – que Déméter, commensale perturbée par la disparition inquiétante de sa fille, avait avalée tout d’un trait. Elle répara cette faute de goût en offrant une prothèse d’ivoire. Pélops ressuscité plus beau que beau fut, pour un temps non précisé, ravi par Poséidon qui l’emporta sur l’Olympe en char tiré par des chevaux d’or. Lorsqu’il en repartit, il reçut un char ailé et amphibie – qui traversait la mer sans que ses essieux ne touchassent l’eau – en cadeau de rupture.  

Avec Hippodamie qu’il épousa après quelques ruses hippiques et traîtrises humaines rien qu’humaines contre Œnomaos son père – qui ornait son domaine des têtes tranchées des prétendants de sa fille chérie – Pélops eut beaucoup d’enfants, on alla jusqu’à dire vingt-deux – dont les fameux jumeaux Atrée et Thyeste – ; et d’une nymphe il eut Chrysippe, le préféré, ce qui entraîna des épisodes de rivalités familiales cruelles et durables nourris par une malédiction généalogique tenace, rapportée à peu près identiquement selon les sources. De Pélops on retient surtout et presque exclusivement que le Péloponnèse lui doit son nom et qu’il fut l’un des premiers et meilleurs artisans des Jeux d’Olympie où son omoplate d’ivoire brillait, étincelante, au soleil. Cependant deux épisodes inégaux auraient pu mieux soutenir nos attention et curiosité : sur les terres conquises qu’il baptisa de son patronyme, Pélops étant devenu très puissant, voulut mettre fin à sa rivalité militaire avec Stymphalos le roi d’Arcadie. Il l’invita, aimablement et amiablement, i.e dépourvu de toute protection et … le fit découper en morceaux. Le découpé d’antan se fit découpeur à son tour de Stymphalos peu méfiant d’un homme ivre de puissance dont le père avait défié les dieux et lui-même ressuscité des morts, après remembrement. La seconde remarquable circonstance peu reprise, rapportée par Pausanias, est posthume : jusqu’à Troie qui s’enlisait dans la guerre, le souvenir de son omoplate d’ivoire aurait été évoqué par des voyants, étonnant détail rapporté à l’étymologie du nom Pélops, qui – Socrate le convoque dans Cratyle de Platon pour servir sa démonstration – signifie qui a la vue courte. Les devins auraient assorti la chute de Troie à deux conditions, dont le retour des ossements de Pélops depuis Olympie. Un naufrage empêcha la prévision de se réaliser, mais pas une omoplate de remonter, bien des années plus tard, dans les filets d’un pêcheur érétrien – expression qui fait un quasi-pléonasme. On se demande quelle idée lui prit de la cacher dans le sable avant de rejoindre Delphes … mais Pausanias le Périégète n’est jamais à court de mille détails non résolus, plusieurs siècles plus tard. La Pythie, qui conseillait alors des Eléens de passage sur le moyen de juguler la peste, les exhorta à retrouver les ossement de Pélops à cette fin. Damarménos, le pêcheur qui passait aussi par là, leur remit solennellement l’omoplate d’ivoire – seule rescapée de la morsure saline de l’eau de mer contre un tas d’os gisant par le fond.

Entre la prothèse d'omoplate en ivoire de Pélops ou – sait-on jamais ? – un os éburné par un trop long séjour dans les flots marins, Pausanias ne doute pas un seul instant de l’authenticité de la première, même s’il avoue ne l’avoir jamais vue. Soudain, nous avons une envie folle de mordre à l’hameçon.

[avec et grâce à la complicité involontaire de Roberto Calasso – son indépassable Les noces de Cadmos et Harmonie – merci à qui mit ce livre sur ma route, il ne me quitte plus.]

« tracer une ligne dont il faut penser la brisure serpentine »*

13 Janvier 2024 , Rédigé par pascale

J-M Maubert

 

Dans la grande famille des exhérédés de la littérature, voici un livre saisissant – troublant et bouleversant – quoique parfaitement insaisissable. Grâce soit rendue aux rarissimes signataires d’articles littéraires qui s’enhardissent à penser en lisant, qui élisent des écritures-pensées, ou — comme je lus dans une autre parution de la revue* où je trouvai l’une de ces profondes chroniques qui vous tiennent intranquille — qu’il y a une grande, une vraie joie si, quand, parce que, des livres font basculer quelque chose du monde. Il fallait que la fascination l’emportât sur l’audace, ce me semble, pour rédiger cet exigeant papier, à propos d’un livre hors sentier ** dans une petite maison d’édition qui a l’honnêteté de prévenir ses candidats-auteurs du ridicule mais réel montant qu’elle leur versera, toutes charges et autres contraintes déduites et détaillées. [Façon de dire, certainement : amis écrivains, non seulement le talent ne fait pas l’argent, non plus le rendement, ni la célébrité, encore moins la popularité ou la gloire. Chapeau !].

      Couronné du compliment qui pouvait à coup sûr me toucher avant toute lecture — Sa langue est celle d’une irrésistible hamadryade — le livre de J-M Maubert tint ses promesses au-delà de tout. Hypnotisée par une langue qui élabore le fond avec la forme, une écriture d’une concentration rare, consentant sans relâche à chaque page, chaque paragraphe, chaque phrase et ligne à ce qui m’avait attirée dans la présentation exigeante de l’ouvrage : il faut être possédé par son propre verbe pour écrire depuis l’intérieur comme de l’extérieur de celui-ci. Habité jusqu’à l’obsession triomphante, triomphale, par un rapport charnel, sensuel, physique, minéral, granitique à l’Antiquité mythologique, J-M Maubert reprend – tel un des ces enfants qui suivent les poètes maniaques, selon Horace – J-M Maubert reprend pour le remonter jusqu’à y perdre toute raisonnable composition,  le fil si abîmé par des siècles de distances mensongères, le fil des légendes que nous avons tous croisées un jour, ou peut-être seulement l’avons-nous cru, tant les atavismes mnésiques ont en nous d’insoupçonnées puissances.

Le sacrifice du géomètre et autres textes, est constitué – reconstitué conviendrait mieux encore – de plusieurs chants *** ou de plusieurs voix et à plusieurs voix. On ne sait pas exactement ni toujours qui parle, qui écrit, qui rêve, qui murmure ; grognements et chuchotements (…) dans l’idiome d’Astérion déchirent et emplissent de sons parfois inaudibles et de cris déchirants, un silence aussi épais que le ciel (est) intensément cru. Il faut se soumettre sans résister – ou alors se démettre et se sauver – à ce monde inconnu des logiques et des raisonnements, inadapté à nos besoins de comprendre, étanche à nos savoirs exacts ; à la beauté d’une écriture trempée dans le sang et les cendres, affûtée aux arêtes coupantes des pierres, des silex, des os, squelettes et autres carcasses, heurtée aux murs invincibles du labyrinthe jonché de cadavres et troué de malheurs ; aux métamorphoses douloureuses, aux amours interdites, aux souffles puissants, aux caresses voluptueuses ; il faut se laisser porter par des noms — Ariane, Phèdre, Icare, Dédale, les Amazones, Ulysse — que l’on croit familiers, ce qui n’est pas si vrai, et tromper par d’autres — Xherr, Aïsta, Thelxinoé … — ils ne sont pas de ceux que l’on connaît ;  il faut, d’une île l’autre — la Crête de Minos, la Sicile jamais nommée d’Empédocle, l’inconnue toute de poussière qui sent bon l’origan où, nous dit-on, dorénavant repose Ikaros —  reconnaître les mêmes incandescences, les enivrantes senteurs, poivrées, mentholées, résineuses, celle du thym et celle légèrement âcre de la lavande, et partout, partout, toujours, autour, à l’entour, l’odeur fraîche et ensorcelante de la mer.

Une pesanteur multipliée nous saisit de texte en texte, sept fois sans reprendre souffle. Les regards croisés entre humains et créatures, les visages, les voix, folies et transes, les souffrances – atroces – les hypnotiques peurs, ce goût de sel mortuaire sur les lèvres, la chute d’Icare toujours recommencée jamais semblable, dessinent de page en page un immense corps sanguinolent et déchiqueté par autant de plaies profondes et noires que le sable compte de grains et l’air de particules cendreuses. Blanc le visage d’Ariane, bleu indigo la mer, rouge écarlate le désert, nulle teinte n’aura pourtant la puissance minérale des gris de ce monde où un enfant-taureau devenu fou de sa difformité dans sa prison de pierre, cette forêt aride de murs et jonchée de charognes, pris au piège architectural, au piège géométrique d’un cerveau labyrinthique, se consume d’une insensée tristesse tandis que des hyènes, des vautours, aussi des scarabées, rodent au milieu des spectres doucement éclairés par la lune, et des insectes vert citron.

J’ai tant cheminé auprès et avec Empédocle que, d’un mot, je sus qu’à nouveau il croiserait mes chemins de pensée, d’écriture, de poésie. Les prairies fendues d’Aphrodite me happèrent d’un signe, déjà Sphairos me prenait par la main et des fragments des Fragments revinrent flotter en ma mémoire où ils reposaient déjà pour toujours. Je fus tant troublée de retrouver le même et différent, celui que j’ai toujours vu méditer devant la mer violette, dont je croyais tout savoir pour avoir beaucoup lu et un peu écrit ; il me manquait peut-être une autre liberté à conquérir dont J-M Maubert s’est emparé : Empédocle un familier glorieux, un proche déifié, le penseur absolu apprivoisé, l’éternel présent au monde et le solitaire résolu, de la Discorde à l’Amitié toujours recommencées tels de nouveaux fragments de discours amoureux. Il lui inventa des compagnies, des gestes, des itinéraires entremêlant d’inconnues légendes à la légende vraie ; le fit mourir par la cruauté d’hommes-loups qui jetèrent son corps supplicié dans le volcan ; Empédocle martyr présocratique de la fureur des hommes, Empédocle victime expiatoire de leur Haine, l’ennemie résolue de la Concorde qui à son tour la captera, quand les temps seront venus.

A quel sacrifice consentit le géomètre, l’homme qui, pour échapper à la vengeance des uns, fut à l’origine du malheur de plusieurs autres, le tortueux père d’Icare qui inventa un piège duquel – par tous calculs arithmétiques d’angles et de côtés, de lignes droites sécantes sans fin qui sont à elles-mêmes leurs propres limites – duquel on ne peut s’échapper sinon en croyant échapper à la mort par la ruse et l’artifice alors qu’on la reporte seulement ailleurs et un peu plus tard ? Le dernier texte qui compose ce livre vibrant et lui donne son titre, sous l’autorité de Diodore de Sicile invoquant Pasiphaé, Dédale et Icare, mêlant images et récits, prenant puis l’abandonnant pour s’en saisir encore, la première personne, construit en l’écrivant un espace labyrinthique d’ombres et de sommeils à la faible lumière où circulent plutôt des masques que des visages. Uniment et toujours minéral c’est un lieu d’initiation et d’apprentissage, sous l’autorité d’un maître de géométrie. Un nommé Aristoclès s’y est perdu, peut-être volontairement ? Il écrit.

A son tour prisonnier d’un illogique et allégorique bâtiment géométrique, tenu de coexister avec ses habitants, il apprend vite que tout labyrinthe en contient d’autres et qu’on ne peut jamais en sortir, métaphore architecturale de la destinée, d’où la peine la plus lourde pour le crime le plus odieux, est un exil plus secret encore à l’intérieur de soi. Aristoclès suspend sa réflexion et son écriture à une indécision profonde, il n’est pas loin de croire qu’au cœur du cœur, qu’au centre du centre, qu’au point crucial de cette construction si logiquement infinie, on (re)trouverait Dédale. De quoi tutoyer la folie que les Cyclophores – nom que se donnaient les habitants, qui, à lui seul, suffit pour contredire l’image usée des labyrinthes aux murs perpendiculaires et aux couloirs rectilignes – semblent s’appliquer à doucement provoquer par des artifices résolument ingénieux et vicieux. Dans l’espace froissé de sa chambre, Aristoclès s’efforce de déjouer et démêler le piège où sa pensée risque de s’enfermer à jamais.

        Alors, seules les sensations de l’enfance ont une force suffisante ; opposer les couleurs, les senteurs, les sons – éblouissantes, puissantes, tournoyants – au chromatisme cendreux du labyrinthe pour, lentement, très lentement, dans ses songes d’abord, faire entrer contre toute obscurité native la conviction innommée et renaître la certitude oubliée que le désespoir n’est pas sans fin. Sans cesse il se remémore des souvenirs, certains bien plus précis que d’autres, tel ce noyé aux restes de cire dans le dos et quelques plumes encore pour lequel, une fois sorti de l’eau, il éleva un bûcher et le brûler. Le pauvre jeune homme portait sur lui la carte d’une île au centre de laquelle était figuré un labyrinthe. Nous n’en saurons pas plus, Aristoclès passe à un autre souvenir d’enfance, J-M Maubert nous porte de rêves en rêves d’hallucinations en mirages de songes en visions de mythes vrais en mythologies supposées, fabuleuses, feintes ; et toujours cette écriture qui scintille par les sables, les pierres et les cendres, qui fait les gris lumineux, les minéraux radieux.

         Nous savions que la géométrie est une poésie, qu’elle plie et déplie les lignes, les angles et les points, qu’elle seule rend possible dans son imprévisibilité même la courbure mosaïque des artisans **** mais qu’à ce point si inattendu l’on pût ainsi le dire, quelle décharge ! Et tandis qu’Aristoclès écrit, réinvente à nos héros lointains des fins qu’ils n’ont pas eues, des vies qu’ils n’ont pas vécues, des amours qu’ils n’ont pas connues, nous l’accompagnons sans la moindre réticence, nous n’opposons ni refus ni déni, ni protestation, nous entrons dans ses rêves empoisonnés comme dans ses vertiges, nous sommes hantés de ce qui le hante, le labyrinthe serait-il une paradoxale mer verticale, nous en absorbons l’image et nous roulons dans ses murs-vagues.

 

 *En attendant Nadeau – 18 octobre 2023 – Tristan Felix : « Les chants du labyrinthe. » ** « Hors-sentier » est le nom de la collection aux Editions Sinope, dans laquelle parut Le sacrifice du géomètre et autres textes de J-M Maubert – (déc. 2022) *** sept « nouvelles » à l’origine indépendantes mais qui font chorégraphie et choral au sens musical du terme – échos, reprises, contre-points et basse continuée, voix en canon – le choix du mot « chant » par Tristan Felix, très pertinent à cet égard **** cf archives – 1er Janvier 2017.

Analecta, varia et autres spicilèges (3)

7 Janvier 2024 , Rédigé par pascale

 

 

« L’esprit a quelque chose d'infernal quand il fait, en riant, des blessures profondes » Louis-Sébastien Mercier

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Ses pensées marinées dans le vinaigrier de son pauvre cerveau, il ne raconte plus que des salades qu’il accompagne du trait acide d’un citrus frotté à l’ail de ses délires.

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Être hypocondriaque, né sous le signe du Cancer… vraiment, c’est pas de veine !

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Le tant aimé Pétrus Borel pouvait se vanter de festonner sa phrase et guillocher son prône, nous acquiesçons : Il fait une giboulée à donner une pleurésie à l'univers alors que pour nos écrivaillons adulés des foules « il tombe des cordes » — comme pour tout le monde quoi !

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On aurait grand tort d’ailleurs de croire que les pirouettes verbales sont définitivement d’une autre époque et, à ce titre, totalement hors d’usage. 

Petite dégustation du jour, provenue de Fils du feu de Guy Boley :

-  (le linge brodé) Elle le tord, il fâche son eau comme un chagrin.

- Elle acheta une sobre tenue de deuil qu’elle enfila par-dessus un désespoir pondéré.

- En sus, un échange magnifique avec la frangine qui n’aime que la peinture qui reproduit quelque chose de vrai et pour laquelle, les pommes de Cézanne (sont) carrées. Pour réponse, la défense de Nicolas de Staël en deux mots qui se heurtent dans un choc de lumière et de matière.

- Du même, à propos de Nietzsche : sa moustache est une armure royale (in A ma sœur et unique)

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Saint-Evremond prône la « tendre admiration » (De la Tragédie ancienne et moderne - 1672). Rien à redire, tout à pratiquer.

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L’écrivain est, au Moyen-Âge et encore jusqu’à la fin du 15ème siècle, celui qui apprend à écrire aux enfants.

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« Quand on vous mène en bateau, c’est croisière sur le beau Danube bleu ou le superbe Orénoque, puis naufrage dans la Baie de la Désolation. » Éric Chevillard.

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« Quand les mots jouent entre eux, c’est qu’ils reconnaissent leur cousinage » ainsi parle Alfred Jarry. Je m’exerce : le même répète sa première syllabe à l’identique, et l’été n’est jamais présent.

         *

Petite(s) scène(s) courante(s) dans la vie ordinaire :

Vous venez d’achever quelque(s) propos que votre interlocuteur a fait mine d’entendre, bien poliment. Après quoi, reprenant la main de la conversation, il commence sa phrase par Sinon… : manière tortueuse et perfide de vous dire que vous l’avez profondément ennuyé(e). Ce sinon est un tacle pour vous remettre dans le droit chemin de son seul centre d’intérêt, lui-même, loin, si loin (si non) des vôtres. Certains excès de politesse ne sont que les cache-misère de l’indigence des échanges.

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Un oxymoron parfait en un seul mot : avoir nommé Âme le vide intérieur d’un canon.

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En fauconnerie, voler d’amour se dit des oiseaux qu’on laisser voler en liberté afin qu’ils soutiennent les chiens

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Salvador Dali, selon Freud qui le cite approximativement, aurait affirmé : Le héros est celui qui s’est opposé à l’autorité paternelle et a fini par la vaincre. Que la source soit fiable ou non, que les propos aient été tenus en ces termes ou non, la déclaration est recevable. Rappelons que le premier nourrissait une admiration obsessionnelle pour le second qu’il rencontra à Londres le 19 juillet 1938, un an avant sa mort : un jeune homme aux candides yeux de fanatiques et un vieil homme malade d’une imperturbable indifférence.

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On oublie ou on ignore que le terme électricité vient du grec λεκτρον, l’ambre, qui s’électrise dès qu’on le frotte.

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Il est dommage qu’un article scientifique passionnant consacré aux vents venus des confins de l’univers porte en son titre une erreur sémantico-épistémologique dommageable (que monsieur-tout-le-monde pratique couramment) : « Une expérience vient de démontrer … ». Les expériences ne démontrent rien, elles montrent, elles établissent ; seules les mathématiques – qui ne sont pas expérimentales – démontrent, par usage exclusif du raisonnement, sans autre recours que la construction théorique, abstraite.

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« N’est-ce pas la preuve qu’il filait un mauvais coton ? La corde à laquelle il a voulu se pendre a rompu. » Éric Chevillard.

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Dès l’âge de dix ans, Colette était entichée des fournitures de bureau. Dans le Képi (1943), elle recense les coupe-papier de celui de son père, trois ou quatre en bois de buis, un en faux argent, le dernier en ivoire jauni fendu tout de son long. Bénis soient les bureaux sur lesquels – au milieu d’un fouillis raisonnable voire construit – traînent encore comme si l’on venait de les poser il y a peu, deux ou trois coupe-papier avec les crayons de bois à pointe de graphite et les stylo d’or.

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« les hommes ont inventé le feu » … l’expression, archi courante, est archi fautive. (à l’instar de : « le soleil se lève à l’est »). Les humains ont découvert des feux de broussailles, de forêts … qu’ils avaient peut-être provoqués involontairement, accidentellement, eux ou le soleil, frappant des micas, des herbes sèches etc. Ils ont tout fait pour le domestiquer, comme on dit parfois dans les livres, ce qui n’est guère mieux, mais on progresse ; ils ont surtout tout fait pour le conserver à l’abri des vents, des pluies et des courants d’air, pour qu’il ne s’éteigne pas tant il devait être difficile de le rallumer. Mais inventer non. Les hommes ont inventé la roue, l’écriture, la cafetière, l’imprimerie, l’élevage des vers à soie, la justice et l’injustice, l’alcool, l’encre et le papier, les idées, les bonnes et les mauvaises, la guerre et la paix, mais le feu, non. Ce serait comme dire, la découvrant, qu’ils ont inventé la mer. Ah, reconnaissons qu’ils ont inventé les allumettes, oui, et les bateaux !

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Je clos pour moi-même, un petit cycle de grande fatigue d'avoir cru en la loyauté de quelques. 

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Dans La pratique de l’art d’Antoni Tàpies, cette anecdote qui semble ne rien avoir à y faire :  la réponse de Bertrand Russell à une société protectrice des animaux qui lui demandait de s’unir à sa campagne contre la chasse au renard en Angleterre : « Entièrement d’accord avec vous, disait-il. Mais je suis tellement pris par ma campagne pour l’interdiction des armes atomiques que je ne peux m’occuper de rien d’autre. Et comme une guerre nucléaire tuerait probablement tous les animaux, il me semble que je lutte déjà pour votre cause. » On sait ou se souvient que Russell (1872-1970) était un très éminent mathématicien et épistémologue, dans le sillage duquel avança Wittgenstein autant qu’il s’en éloigna.

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Le verbe souloir – avoir coutume, avoir l’habitude – ne se conjugue plus qu’à l’imparfait affirme déjà en la 3ème édition de son dictionnaire (1740) l’Académie française, lui offrant alors un enterrement de 1ère classe plutôt que les soins intensifs qu’il aurait fallu ; le bon Vaugelas, La Bruyère avec lui au siècle précédent, demandaient ardemment « qu’il fût encore en usage ». Ils ne furent point ouïs, au grand dam de Littré qui lui opposa la lourdeur et l’incommodité de la formule moderne. C’est, dit-il, une des plus grandes pertes que la langue ait faites. Las ! à l’aune de cette désolation, la langue est dorénavant plus qu’une lettre morte, un cimetière à ciel ouvert.

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« Depuis quelques années je compte de ne pouvoir pas vivre longtemps. Au commencement de chacune, je souhaite de pouvoir manger des fraises ; quand elles passent, j’aspire aux pêches, et cela durera autant qu’il plaira à Dieu. »

Gourville in Mémoires, t II, (cité par René Ternois in Lettres de Saint-Évremond t II, p. 243)

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Patte-pelu et gourdiflot, valent-ils mieux que pouacre et zoïle ?

A la recherche de mots perdus – 10

2 Janvier 2024 , Rédigé par pascale

 

En imprimerie, il arrive que plusieurs feuillets d’un ouvrage se soient détachés, désolidarisés, ils deviennent alors dépareillés, on ne peut les récupérer pour de nouveaux exemplaires, ils sont défaits et s’appellent des défets – un nom le plus souvent au pluriel, on comprend pourquoi : à l’unité on dit une feuille volante. Volons, advolons-nous, emblons sans nous anonchalir ni ardre – pas question, tel Icare, de nous volgrener – allons où il nous duit et sieut, mugueter les mots jolis. Certes, plus d’un s’en trouvera hurepé qui jupera et nous fernera, nous accusant d’être sorcuidiés – cette fois, je l’avoue, ce mot a disparu depuis plusieurs siècles – cela dérange les plans des plan-plan, c’est très agacinant.

Tant j’aime noctambuler en paperassant, fureter et dégotter quelque vionche à ressusciter comme aurait dit Louis-Sébastien Mercier, le plus grand livrier de France* ainsi s’appelait-il lui-même empruntant le mot à Rousseau, tant j’aime, noctambulant, entrer dans les palais d’Armide décorés de mots insoupçonnés et obscurs pour les en issir au grand jour de mes fièvres verbales méthémérines.  

 

Pour avoir ignoré ce que berquinade signifie, il s’en fallut de peu que je fisse erreur et prononçasse une sottise :  les yeux lisant la fin avec le commencement (un rare inconvénient de la méthode de lecture rapide), j’envisageai qu’une berquinade devait se rapporter à un débordement — une berquinade qui devient crue — ; je compris, reprenant un train habituel, que la crue n’y était point cette quasi-inondation que je crus, mais l’adjectif féminin synonyme de osée, graveleuse, grossière ou grivoise : une berquinade qui devient crue était, dans ce contexte, un roman à l’eau de rose, id est une bluette (réjouissant rapprochement de deux teintes pâlottes !), qui s’encanaille … Hors de question de faire le cunctateur, les choses étant ce qu’elles sont — quae cum ita sint — les significations aussi, on ne sursoit pas avec les mots en péril, on se deut qu’ils soient à l’abandon et sans tollir l’effort ni treschignier des dents ni tamoir, on s’active à leur doux parfum et désuet, on en odore les lignes, les pages et les espaces pour mieux les émailler de mots désaffectés, ils sont nôtres à jamais, pour toujours.

*in Rev. crit. 24 fév. 1877, p. 130.