inactualités et acribies

Analecta, varia et autres spicilèges (3)

7 Janvier 2024 , Rédigé par pascale

 

 

« L’esprit a quelque chose d'infernal quand il fait, en riant, des blessures profondes » Louis-Sébastien Mercier

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Ses pensées marinées dans le vinaigrier de son pauvre cerveau, il ne raconte plus que des salades qu’il accompagne du trait acide d’un citrus frotté à l’ail de ses délires.

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Être hypocondriaque, né sous le signe du Cancer… vraiment, c’est pas de veine !

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Le tant aimé Pétrus Borel pouvait se vanter de festonner sa phrase et guillocher son prône, nous acquiesçons : Il fait une giboulée à donner une pleurésie à l'univers alors que pour nos écrivaillons adulés des foules « il tombe des cordes » — comme pour tout le monde quoi !

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On aurait grand tort d’ailleurs de croire que les pirouettes verbales sont définitivement d’une autre époque et, à ce titre, totalement hors d’usage. 

Petite dégustation du jour, provenue de Fils du feu de Guy Boley :

-  (le linge brodé) Elle le tord, il fâche son eau comme un chagrin.

- Elle acheta une sobre tenue de deuil qu’elle enfila par-dessus un désespoir pondéré.

- En sus, un échange magnifique avec la frangine qui n’aime que la peinture qui reproduit quelque chose de vrai et pour laquelle, les pommes de Cézanne (sont) carrées. Pour réponse, la défense de Nicolas de Staël en deux mots qui se heurtent dans un choc de lumière et de matière.

- Du même, à propos de Nietzsche : sa moustache est une armure royale (in A ma sœur et unique)

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Saint-Evremond prône la « tendre admiration » (De la Tragédie ancienne et moderne - 1672). Rien à redire, tout à pratiquer.

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L’écrivain est, au Moyen-Âge et encore jusqu’à la fin du 15ème siècle, celui qui apprend à écrire aux enfants.

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« Quand on vous mène en bateau, c’est croisière sur le beau Danube bleu ou le superbe Orénoque, puis naufrage dans la Baie de la Désolation. » Éric Chevillard.

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« Quand les mots jouent entre eux, c’est qu’ils reconnaissent leur cousinage » ainsi parle Alfred Jarry. Je m’exerce : le même répète sa première syllabe à l’identique, et l’été n’est jamais présent.

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Petite(s) scène(s) courante(s) dans la vie ordinaire :

Vous venez d’achever quelque(s) propos que votre interlocuteur a fait mine d’entendre, bien poliment. Après quoi, reprenant la main de la conversation, il commence sa phrase par Sinon… : manière tortueuse et perfide de vous dire que vous l’avez profondément ennuyé(e). Ce sinon est un tacle pour vous remettre dans le droit chemin de son seul centre d’intérêt, lui-même, loin, si loin (si non) des vôtres. Certains excès de politesse ne sont que les cache-misère de l’indigence des échanges.

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Un oxymoron parfait en un seul mot : avoir nommé Âme le vide intérieur d’un canon.

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En fauconnerie, voler d’amour se dit des oiseaux qu’on laisser voler en liberté afin qu’ils soutiennent les chiens

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Salvador Dali, selon Freud qui le cite approximativement, aurait affirmé : Le héros est celui qui s’est opposé à l’autorité paternelle et a fini par la vaincre. Que la source soit fiable ou non, que les propos aient été tenus en ces termes ou non, la déclaration est recevable. Rappelons que le premier nourrissait une admiration obsessionnelle pour le second qu’il rencontra à Londres le 19 juillet 1938, un an avant sa mort : un jeune homme aux candides yeux de fanatiques et un vieil homme malade d’une imperturbable indifférence.

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On oublie ou on ignore que le terme électricité vient du grec λεκτρον, l’ambre, qui s’électrise dès qu’on le frotte.

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Il est dommage qu’un article scientifique passionnant consacré aux vents venus des confins de l’univers porte en son titre une erreur sémantico-épistémologique dommageable (que monsieur-tout-le-monde pratique couramment) : « Une expérience vient de démontrer … ». Les expériences ne démontrent rien, elles montrent, elles établissent ; seules les mathématiques – qui ne sont pas expérimentales – démontrent, par usage exclusif du raisonnement, sans autre recours que la construction théorique, abstraite.

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« N’est-ce pas la preuve qu’il filait un mauvais coton ? La corde à laquelle il a voulu se pendre a rompu. » Éric Chevillard.

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Dès l’âge de dix ans, Colette était entichée des fournitures de bureau. Dans le Képi (1943), elle recense les coupe-papier de celui de son père, trois ou quatre en bois de buis, un en faux argent, le dernier en ivoire jauni fendu tout de son long. Bénis soient les bureaux sur lesquels – au milieu d’un fouillis raisonnable voire construit – traînent encore comme si l’on venait de les poser il y a peu, deux ou trois coupe-papier avec les crayons de bois à pointe de graphite et les stylo d’or.

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« les hommes ont inventé le feu » … l’expression, archi courante, est archi fautive. (à l’instar de : « le soleil se lève à l’est »). Les humains ont découvert des feux de broussailles, de forêts … qu’ils avaient peut-être provoqués involontairement, accidentellement, eux ou le soleil, frappant des micas, des herbes sèches etc. Ils ont tout fait pour le domestiquer, comme on dit parfois dans les livres, ce qui n’est guère mieux, mais on progresse ; ils ont surtout tout fait pour le conserver à l’abri des vents, des pluies et des courants d’air, pour qu’il ne s’éteigne pas tant il devait être difficile de le rallumer. Mais inventer non. Les hommes ont inventé la roue, l’écriture, la cafetière, l’imprimerie, l’élevage des vers à soie, la justice et l’injustice, l’alcool, l’encre et le papier, les idées, les bonnes et les mauvaises, la guerre et la paix, mais le feu, non. Ce serait comme dire, la découvrant, qu’ils ont inventé la mer. Ah, reconnaissons qu’ils ont inventé les allumettes, oui, et les bateaux !

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Je clos pour moi-même, un petit cycle de grande fatigue d'avoir cru en la loyauté de quelques. 

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Dans La pratique de l’art d’Antoni Tàpies, cette anecdote qui semble ne rien avoir à y faire :  la réponse de Bertrand Russell à une société protectrice des animaux qui lui demandait de s’unir à sa campagne contre la chasse au renard en Angleterre : « Entièrement d’accord avec vous, disait-il. Mais je suis tellement pris par ma campagne pour l’interdiction des armes atomiques que je ne peux m’occuper de rien d’autre. Et comme une guerre nucléaire tuerait probablement tous les animaux, il me semble que je lutte déjà pour votre cause. » On sait ou se souvient que Russell (1872-1970) était un très éminent mathématicien et épistémologue, dans le sillage duquel avança Wittgenstein autant qu’il s’en éloigna.

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Le verbe souloir – avoir coutume, avoir l’habitude – ne se conjugue plus qu’à l’imparfait affirme déjà en la 3ème édition de son dictionnaire (1740) l’Académie française, lui offrant alors un enterrement de 1ère classe plutôt que les soins intensifs qu’il aurait fallu ; le bon Vaugelas, La Bruyère avec lui au siècle précédent, demandaient ardemment « qu’il fût encore en usage ». Ils ne furent point ouïs, au grand dam de Littré qui lui opposa la lourdeur et l’incommodité de la formule moderne. C’est, dit-il, une des plus grandes pertes que la langue ait faites. Las ! à l’aune de cette désolation, la langue est dorénavant plus qu’une lettre morte, un cimetière à ciel ouvert.

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« Depuis quelques années je compte de ne pouvoir pas vivre longtemps. Au commencement de chacune, je souhaite de pouvoir manger des fraises ; quand elles passent, j’aspire aux pêches, et cela durera autant qu’il plaira à Dieu. »

Gourville in Mémoires, t II, (cité par René Ternois in Lettres de Saint-Évremond t II, p. 243)

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Patte-pelu et gourdiflot, valent-ils mieux que pouacre et zoïle ?

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