la déprise du monde
quand écrire a le goût de la neige
toute voix est plus douce qu’un ruban de velours
*
entre les doigts crochus
d’une tisserande
son destin a filé
*
les giboulées
ont dégravoyé la terre
l’en ont chaussée de semelles bourbeuses
*
jetées par les fenêtres mes pensées
tournoient dans le vent
se posent enfin
dans le chapeau du jardinier
qui poussait là
*
bateleur à mes tempes
il cogne aux parois de mon être
le bourdon
*
au creux de l’eau dentue
nocher avance ta barque
au-delà de tout espoir
*
les barquerolles du soir
suivent la ligne claire
d’une chanson triste au milieu de la foule
du clapot de l’eau l’écho
sous un pont sous un pont un pont un
ombres dorées reflets violets
où glisse et passe repasse et passe
la peau grise des apparences
*
à contre-jour du jour
les invivants fantômes
vêtus du satin rose des femmes nostalgiques
à contre-sens à contre-courant
montent les escaliers de bois
que le temps ronge en ricochant
*
deux ailes ensanglantées
noyées dans la lagune
et leurs plumes rouillées
aux châssis des pontons
si près des chevaux sombres d’Hadès
*
ombre poreuse emplit la fin du jour
sonate évanouie
dans un manoir obscur
au clair de lune
*
ciel enchiffonné
brouillonne en ses déluges
*
aux murs lisses et gris
le fil était-il rouge du sang du Minotaure ?
*
grains éclatés de grenade
en larmes incarnadines
brésillées dans la chaleur du soir
*
tournis infini
ritournelle éternelle
Démocrite en rit
Héraclite en pleure
faute de mieux
*
parfum doré et tiède de la bergamote
fragile cristal
captive souvenance
*
ne pas pleurer ne pas pleurer
pas sur le papier bleu
il devient pelure